L A prévalence de l'allergie à la cacahuète augmente depuis les années quatre-vingt-dix, elle atteindrait 1,9 % des enfants et 0,5 % des adultes. La prévention de cette allergie soulève plusieurs problèmes. Celui des conseils à donner aux patients pour éviter l'allergène, qui ne sont pas partagés par tous les allergologues : de l'éviction totale des fruits à écales (noix, noisettes...) à la liberté alimentaire complète, à l'exception des cacahuètes. En matière d'autotraitement, on constate les mêmes disparités : certaines personnes sont dotées d'un stylo pour injection d'adrénaline intramusculaire après une réaction cutanée mineure, alors que d'autres, avec un antécédent de manifestation systémique, n'ont pas de seringue d'adrénaline.
Pour tester la pertinence d'un programme d'éducation et de prise en charge adaptée, une cohorte anglaise a suivi 567 personnes identifiées comme allergiques à la cacahuète, à la suite d'une réaction (quelle que soit sa gravité) et de tests cutanés positifs. Des conseils alimentaires pour éviter tout ce qui peut contenir des produits dérivés de la cacahuète leur ont été donnés soit directement, soit par l'intermédiaire des parents ou des instituteurs (savoir lire et comprendre les étiquettes...). En parallèle, les patients ont appris à classer leur réaction allergique en trois catégories en fonction des symptômes (légère, modérée, sévère) et à leur faire correspondre un protocole thérapeutique, selon la gravité : antihistaminique (anti-H2) oral, anti-H2 + adrénaline inhalée, anti-H2 + adrénaline inhalée + injection d'adrénaline intramusculaire.
Manifestations allergiques mineures
Avec un suivi de deux ans, 15 % (n = 88) des personnes ont récidivé, la majorité (85 %) sous la forme de manifestations allergiques mineures. Trois (0,5 %) ont fait une crise sévère ayant nécessité de l'adrénaline intramusculaire (deux d'emblée et un après échec du protocole antérieur).
« Ces résultats sont très bas comparativement à la fréquence habituelle des récidives, fait remarquer dans un éditorial le Dr David Hill, de Victoria (Australie). Des études ont décrit un taux de réapparition des réactions allergiques aux fruits à écales de 50 % à un an.» Pour ce spécialiste, plusieurs facteurs peuvent avoir minimisé le nombre de récidives allergiques : l'absence de critères d'inclusion stricts (pas de seuil de positivité requis pour les prick tests), la possibilité de rémission spontanée qui peut atteindre 20 % chez l'enfant et le nombre important de perdus de vue (n = 154) qui a minimisé la puissance de l'étude.
Une autre remarque de l'éditorialiste australien concerne les protocoles thérapeutiques conseillés aux patients. « Sachant que de 38 % à 44 % des allergies modérées vont donner ultérieurement des réactions anaphylactiques sévères, potentiellement mortelles, il n'est pas licite de se passer de l'adrénaline intramusculaire car c'est un traitement fiable et rapide. Il est par ailleurs difficile de faire accepter des inhalations répétées d'adrénaline chez l'enfant, pourtant indispensables pour obtenir des concentrations plasmatiques d'adrénaline suffisantes.» Pour le Dr Hill, l'adoption de ce type de protocole thérapeutique est prématuré. L'éducation de l'allergique en matière de produit contenant l'allergène, (principalement la protéine Ara h 1) est bien sûr à encourager. « Mais l'utilisation croissante des arachides et produits dérivés (huiles...) dans les restaurants et dans l'alimentation industrielle rend la tâche difficile. La cacahuète devient un produit "contaminant" dans des aliments qui ne sont pas censés en contenir. Seul le test de déclenchement oral de l'allergie est un moyen d'identification stable. La taille de la réponse aux tests cutanés et le dosage des IgE spécifiques ne permet pas de prédire la gravité de la réaction ultérieure », a rajouté le Dr Hill.
P. Ewan et A. Clark, « The Lancet », vol. 357,13 janvier 2001, pp. 111-115 et D. Hill, p. 88.
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