PRÈS DE 500 médecins ont manifesté la semaine dernière devant le ministère de la Santé, à Alger, pour protester contre les « dérives » du système de santé. Brassard « praticien en colère » et slogans alarmistes : « Pénuries de médicaments », « rupture de vaccins, retour des maladies contagieuses », « malades agonisants »...
Un bras de fer oppose les syndicats de la santé et leur tutelle depuis près de trois ans. L’année 2011 a été marquée par une série de grèves sans précédent. Les paramédicaux sont montés au front pour réclamer une revalorisation salariale, les étudiants en médecine ont dénoncé la mauvaise qualité de leur formation et l’absence de stages. Le syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) résumait les raisons de la colère dans un courrier adressé au président de la République en 2009 : « Votre Excellence, (...), la démarche de l’État s’est orientée principalement vers la réorganisation administrative du système de santé, la mise à niveau en matière d’infrastructures et d’équipements, un renforcement soutenu du budget de fonctionnement des établissements de santé mais a occulté le maillon que nous considérons principal : le personnel soignant ».
Système de santé éclaté.
En Algérie, la gratuité des soins remonte à 1973. La politique volontariste qui s’ensuit - lancement d’un programme de vaccination en 1975, création des CHU en 1986 - connaît un coup d’arrêt à la fin des années 1980, avec la chute brutale des revenus pétroliers. Le privé se taille alors la part du lion. À partir de 2004, la rente pétrolière permet de nouveaux investissements, mais d’énormes défis restent posés malgré les progrès accomplis (plus de diphtérie depuis 2006). « Dans les années à venir, la pression s’exercera sur la santé des personnes âgées », relèvent le Pr Farid Chaoui et Michel Legros, dans le chapitre qu’ils réservent à l’Algérie au sein de leur rapport.
Une hospitalisation sur dix est liée à un accouchement compliqué ; 320 décès maternels ont été enregistrés en 2009, tandis que les affections périnatales restent la première cause de décès, devant les maladies cérébro-vasculaires. En 2007, l’Algérie comptait 14 CHU, 240 hôpitaux généraux et 511 maternités. La même année, le privé totalisait 6,24 % des lits. La grande majorité des 14 300 spécialistes sont installés dans les quatre grandes métropoles du pays, tandis que les pharmacies publiques manquent un peu partout. Les disparités régionales, l’impossibilité pour beaucoup de s’offrir des soins privés, alimentent le mécontentement de la rue. Le gouvernement a adopté un plan d’action en 2009 afin d’améliorer l’offre et la qualité des soins, mais aujourd’hui, les professionnels de santé n’hésitent pas à parler d’échec.
Le Pr Chaoui et Michel Legros, en conclusion de leur rapport, déplorent « l’éclatement » du système de santé algérien. Ils conseillent la mise en place d’une organisation territoriale des soins, définie à partir des « wilayas » (l’équivalent des régions), et articulée non plus en fonction des lobbies, mais autour de la prise en charge de la santé de la population.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature