L A dengue est la plus fréquente des arboviroses. Elle touche chaque année plusieurs dizaines de millions de personnes aux Caraïbes, dans les pays côtiers de l'Afrique de l'Est et de l'Ouest, en Amérique centrale, dans le nord de l'Amérique du Sud, dans les îles du Pacifique occidental et de l'océan Indien et, surtout, en Asie du Sud-Est.
Le flavivirus responsable de la maladie est transmis à l'occasion de la piqûre d'un insecte diurne, l' Aedes aegypti principalement. Après une incubation moyenne de 5 à 8 jours (deux semaines au maximum), le tableau clinique le plus fréquent se présente sous la forme d'un syndrome pseudogrippal avec une fièvre élevée, des céphalées frontales et des myalgies diffuses. L'évolution se fait vers la guérison en une semaine en moyenne, mais l'asthénie peut persister. En dehors de cette forme bénigne, il existe des formes sévères, hémorragiques ou avec choc, responsables de 250 000 à 500 000 hospitalisations annuelles dans le monde et qui peuvent conduire au décès.
Un syndrome pseudogrippal non spécifique
Devant l'augmentation du nombre de personnes hospitalisées au retour d'un séjour en zone d'endémie de dengue, les universitaires de dix services de maladies infectieuses et tropicales du sud de la France ont constitué un réseau de surveillance de la dengue d'importation (Groupe Infectio-Sud). L'objectif de ce réseau, au-delà de l'aspect épidémiologique, est d'améliorer la prise en charge des malades, car cette maladie est généralement bien moins connue que le paludisme. Le Groupe Infectio-Sud a, par conséquent, conduit une étude multicentrique rétrospective de 1994 à 1997 et prospective en 1998-1999 pour mieux connaître les circonstances de diagnostic et les signes cliniques des cas de dengue importée. Tous les adultes et les enfants qui se présentent en consultation externe ou en hospitalisation dans les quinze jours suivant le retour d'un pays d'endémie et porteurs de signes évocateurs ont été inclus dans l'étude. Le diagnostic était porté à l'issue d'une recherche sérologique et, éventuellement, d'une culture virale. Un questionnaire standardisé servait, en outre, à recueillir les renseignements sur les circonstances de la contamination (données cliniques et épidémiologiques). Selon les recommandations du CDC, les cas « confirmés » étaient ceux avec culture positive ou séroconversion en IgM et/ou IgG lors de deux prélèvements espacés, les cas « probables » avaient des IgM sur un seul prélèvement ou des IgG à un taux élevé sur un ou plusieurs prélèvements (sans notion de séroconversion).
82 cas en 6 ans dans la région Sud
De 1994 à 1999, 26 cas confirmés et 56 probables ont été retenus (82 au total). Les malades, âgés en moyenne de 37 ans, étaient le plus souvent des touristes français (résidant en France) qui avaient séjourné en Côte d'Ivoire ou outre-mer, pendant moins d'un mois pour la majorité d'entre eux (79 %). La moitié a présenté des symptômes dans la semaine suivant le retour, la plus grande durée d'incubation étant de 14 jours.
Au moment de la consultation, une fièvre élevée (supérieure à 39 °C) était présente chez 64 patients, les autres rapportaient avoir préalablement été fébriles. Les malades avaient principalement des céphalées (71 %) et des myalgies (78 %), un quart avaient des adénopathies. Quelques signes digestifs, respiratoires, neuropsychiques (vertiges), cutanés (exanthèmes maculo-papuleux, pétéchies, hyperesthésies) ont aussi été observés et 16 malades avaient des manifestations hémorragiques (épistaxis, gingivorragies, purpuras, hémorragie digestive).
Les signes biologiques étaient marqués par l'existence d'une thrombopénie (n = 53), inférieure à 50 000/mL dans 19 % des cas, et par une cytolyse hépatique (63 %). La leucopénie (56 %) et l'anémie (18 %) étaient moins fréquentes. Toutes les cultures positives (6/16) ont identifié le flavivirus de la dengue et non pas d'une autre arbovirose. Un seul patient avait une infection conjointe à Plasmodium falciparum.
Seulement 23 sujets déclaraient connaître l'existence d'une épidémie de dengue dans le pays visité et 21 rapportaient des cas d'infections dans leur entourage.
Asthénie persistante
Les patients ont été hospitalisés dans la moitié des cas, pendant environ 4 jours. A l'exception d'une asthénie persistante, qualifiée de sévère par 43 % des malades, tous ont évolué favorablement. Aucune différence clinique, biologique ou épidémiologique n'a été trouvée entre les cas « prouvés » et « probables ».
Pour les membres du réseau Infectio-Sud, il faut maintenant évoquer le diagnostic de paludisme et de dengue de façon concomitante, devant un tableau fébrile au retour d'un pays d'endémie. Un début précoce (dans les 15 jours suivant le retour) et des signes cutanés sont très évocateurs d'une dengue.
K.Barrau et coll. « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » n° 3/2001.
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