Les accusations portées contre AIDES

« On veut tuer la lutte contre le sida »

Publié le 28/01/2011
Article réservé aux abonnés

« SI ON VOULAIT TUER la lutte contre le sida, on ne s’y prendrait pas autrement ! » Bruno Spire, président de AIDES, est en colère et dénonce « une vision à charge ». La publication dans « le Parisien » d’une enquête mettant en cause la gestion financière de l’association a provoqué un certain émoi. Les militants se sont d’abord dits « choqués et abasourdis » par des « allégations détournées et mensongères » tirées de la lecture d’un rapport du cabinet conseil Sécafi et des déclarations d’un ancien salarié licencié. Pourtant, les différents rapports sur l’association, le dernier daté de septembre 2010, un audit réalisé par le cabinet Mazars pour la DGS en prévision du renouvellement de la convention triennale 2007-2010, leur semblaient plutôt favorables. « AIDES, de par sa taille et son rôle stratégique, est une association qui a souvent été étudiée et auditée », note d’ailleurs le cabinet Mazars, qui mentionne les rapports de la Cour des comptes sur les exercices 2003 à 2006 et le rapport de l’IGAS en 1998. « Il est à noter que ces différentes études sont perçues très positivement par les salariés de l’association et les axes d’amélioration proposés sont étudiés. Cette démarche nous a semblé très positive », relève le cabinet. Les conclusions sont aussi favorables à AIDES : « Nous pouvons affirmer que les objectifs de la convention signée avec la DGS ont globalement été largement remplis. Les actions mises en œuvre correspondent aux grands axes de la convention et la structure dont l’association s’est dotée permet de répondre aux exigences du terrain », indique l’audit. Il ajoute : « Nous avons noté une bonne santé financière de l’association. Celle-ci s’accompagne d’une gestion rigoureuse, elle-même portée par une réelle volonté de transparence. »

Enquête de satisfaction.

À AIDES, l’incompréhension est totale, d’autant plus que même le rapport du cabinet-conseil Sécafi réalisé à la demande du comité d’entreprise ne semble pas défavorable. Bruno Spire reconnaît les conflits avec quelques salariés, mais, relève-t-il, « toutes les associations connaissent ce type de conflits. Nous avons mené récemment une enquête de satisfaction qui a montré que 80 % des salariés étaient satisfaits de leurs conditions de travail. » Le président de l’ONG tient à apporter des précisions sur l’utilisation des ressources de l’association : « Nous consacrons bien plus de 60 % du budget aux différentes actions de AIDES, nos frais de fonctionnement ne représentant que 17 %. La différence tient aux frais engagés dans la collecte de rue ou street marketing. Pour nous, il ne s’agit pas de frais de fonctionnement mais d’un investissement pour l’avenir. Les frais importants que nous engageons aujourd’hui nous servent pour les collectes et les actions de demain. Sans cette pratique, nous n’aurions jamais pu organiser de dépistage communautaire, car l’action n’était pas financée, et nous n’aurions jamais pu lancer de programme en Guyane. »

La pratique du street marketing (mobilisation d’équipes tournantes chargées de recueillir auprès des passants des dons par virements automatiques) a suscité plusieurs remarques, le rapport du cabinet Sécafi reconnaissant par exemple qu’elle avait profondément changé la donne, en augmentant la capacité d’action de l’association et son indépendance d’action vis-à-vis des financeurs publics et en lui permettant de gérer des actions à plus long terme. Ce même rapport juge toutefois que la part importante de cette ressource (1/3) dans le budget peut constituer un risque « du fait des conséquences qui résulteraient d’une brusque baisse de cette source de revenus, par exemple d’un "accident médiatique" ». La Cour des comptes a, elle, exigé que le coût soit imputé à l’année en cours et non sur plusieurs années comme le souhaitait l’association.

Rémunération assumée.

À propos du salaire du directeur général, Vincent Pelletier, Bruno Spire explique : « Nous sommes dans la moyenne de toutes les ONG de même taille qui doivent gérer un budget de 40 millions d’euros et 450 salariés. Ce type de compétences ne se trouve pas facilement et certainement pas à 2 000 euros par mois. Quant à l’augmentation de salaire qui lui a été accordée, elle correspond à un changement de fonction car Vincent Pelletier a aussi pris la direction de la Coalition plus, notre coalition internationale. Tout cela est assumé par le conseil d’administration, lequel n’est composé que d’élus volontaires non rémunérés, qui ont estimé que c’était dans l’intérêt de AIDES. »

Plus que l’attaque, ce que redoute le président de l’association, ce sont les dégâts occasionnés dans l’opinion publique. « Si les dons baissent, il est très clair que nous allons vers un plan social et que nous devrons arrêter certaines de nos actions », soutient-il. De plus, regrette-t-il, « le discrédit a été jeté non seulement sur AIDES mais sur l’ensemble des acteurs, sur le monde médical, sur les chercheurs, sur l’ANRS et sur les autres associations de lutte contre le sida ».

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8895