Avec deux millions de morts dans le monde liées au Covid-19 et l’apparition de variants plus contagieux, « nous sommes à un tournant dans la pandémie », a alerté le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, le 15 janvier à l’issue du 6e Comité d’urgence de l’OMS depuis le début de la pandémie.
Ce comité s’est réuni avec deux semaines d'avance pour évoquer les variants du SARS-CoV-2, un sujet de « vives inquiétudes », a insisté le Pr Didier Houssin, qui préside l’instance.
L'OMS craint « une résurgence de la pandémie »
Le variant VOC 202012/01, initialement identifié au Royaume-Uni, circule désormais dans 50 pays ou territoires et celui détecté en Afrique du Sud est présent dans 20 pays, selon l'OMS. Des chiffres probablement en dessous de la réalité, prévient l'agence onusienne. Ces variants, plus contagieux, « font craindre une résurgence de la pandémie », avertit l’OMS.
Une autre mutation, originaire de l'Amazonie brésilienne et découverte par le Japon, est par ailleurs qualifiée de « variant inquiétant » par l’organisation, car suspectée d’impacter la réponse immunitaire. L'OMS anticipe ainsi au Brésil une nouvelle vague plus « catastrophique » qu’en avril dernier.
En France, au 13 janvier, 63 cas du variant VOC 202012/01 et 3 cas du variant originaire d’Afrique du Sud avaient été identifiés par Santé publique France, qui souligne, elle aussi, le risque de sous-estimation. L’agence a mené une enquête « Flash » sur les tests positifs des 7 et 8 janvier et a identifié, selon des résultats préliminaires, le variant dit « anglais » dans 1,4 % des échantillons.
La crainte d'une « poussée » épidémique en mars en France
Ce variant sera probablement dominant dans « trois mois », a estimé Bruno Coignard, directeur du service des maladies infectieuses de SPF, lors d’un point presse le 15 janvier. Conséquence d’une circulation active de ce variant plus contagieux, une « poussée » de l'épidémie est anticipée par l'épidémiologiste membre du Conseil scientifique Arnaud Fontanet, le 17 janvier lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro.
« Les scénarios montrent qu'on devrait arriver à tenir jusqu'au mois de mars, a-t-il expliqué. Ce qui est vraiment embêtant, c'est qu'on part avec un niveau d'occupation des lits qui est très élevé, en cette fin de deuxième vague. Et du coup on n'a pas beaucoup de marges de manœuvre si l'épidémie redémarrait ».
Face à ces nouveaux variants, le comité d'urgence de l'OMS a appelé à augmenter les capacités mondiales de tests moléculaires et de séquençage génétique et à partager rapidement les données, via des systèmes existants tels que le système mondial de surveillance et de riposte à la grippe (GISRS). Les nouveaux variants « nécessitent que des efforts rapides soient déployés dans la recherche », a également plaidé le Pr Didier Houssin, alors que des inconnues demeurent sur les effets des variants notamment sur les vaccins.
Aussi, le comité d’urgence invite à « éviter les stigmatisations géographiques » dans la dénomination des variants et recommande à l'OMS de mettre au point un « système normalisé » de dénomination des nouveaux variants.
Un démarrage de la vaccination « dans tous les pays dans les 100 prochains jours ».
À propos des campagnes de vaccination, qui ont démarré dans une cinquantaine de pays principalement à revenu élevé, l’OMS encourage à la solidarité et à l’accès équitable, notamment via le soutien au mécanisme Covax. L’objectif d’atteindre 20 % de la population vaccinée en 2021 ne doit « pas seulement » concerner les « pays riches », a poursuivi le Pr Houssin.
« Je veux voir la vaccination débuter dans tous les pays dans les 100 prochains jours pour que les personnels de santé et ceux qui présentent des risques importants soient protégés en premier lieu », a ajouté le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.
L’OMS recommande également d’accélérer la recherche sur les « inconnues critiques » qui persistent sur les vaccins : sur la transmission, les durées de protection et d'immunité (après infection ou vaccination), la protection à long terme selon différents schémas vaccinaux (report de la 2e dose, dose unique, différents vaccins).
Le comité opposé « pour le moment » au certificat de vaccination pour voyager
Le Comité d’urgence s’est par ailleurs opposé « pour le moment » à l'instauration de certificats de vaccination contre le Covid-19 pour autoriser les voyages internationaux, « car il existe encore des inconnues critiques concernant l'efficacité de la vaccination pour réduire la transmission et la disponibilité limitée des vaccins », indique l’OMS. Les États sont plutôt encouragés à « mettre en œuvre des approches coordonnées, limitées dans le temps, fondées sur les risques et fondées sur des preuves pour les mesures de santé liées aux voyages internationaux ».
Le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus a enfin rappelé l’importance de « briser les chaînes de contamination » et de « combler les lacunes entre l’intention et la mise en œuvre » des mesures sanitaires : « plus le virus est supprimé, moins il a la possibilité de muter. Nous devons être plus efficaces que le virus et faire preuve d’excellence », a-t-il déclaré.
De son côté, le directeur des questions d'urgence sanitaire à l'OMS, le Dr Michael Ryan, a alerté sur le relâchement dans l’application des mesures individuelles. « Dans l’hémisphère nord », les fêtes de fin d’année ont été « l’occasion de nombreuses rencontres » et « dans l’hémisphère sud, malgré l’été », le virus circule toujours, a-t-il observé, rappelant que « le virus exploite notre fatigue, notre lassitude, le fait que nous ayons peut-être baissé la garde » et qu’il est « trop facile de rejeter la faute sur les variants ».
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