LA PERSONNE en situation de handicap souffre non seulement du problème physiologique qui l’affecte mais aussi des obstacles que la société et la collectivité peuvent mettre à l’exercice de ses droits fondamentaux. « L’incapacité d’exercer ces droits est, à mon sens, une condition de vie inacceptable », souligne Jean-Claude Ameisen, président du Comité d’éthique de l’INSERM.
De son côté, la médecine peut l’aider à mieux accepter sa vie en lui apportant un soulagement d’ordre thérapeutique. D’après la loi de 2002 sur les droits des patients, une personne en situation de handicap peut, ainsi, bénéficier de tous les apports de la recherche, de la médecine et du soin. Mais dans les faits, cette loi n’est pas toujours facile à appliquer, notamment lorsque la personne n’est pas consciente, en état de réfléchir ou de s’exprimer.
Les limites de la réanimation.
Un cas qui n’est pas rare en service de réanimation, où les médecins se demandent souvent jusqu’où ils peuvent aider leurs patients à rester en vie. « Entre la personne hospitalisée en réanimation et son éventuelle mort naturelle, il y a les machines. Parfois, celles-ci n’ont plus pour unique fonction que celle d’empêcher la mort. Cette situation est totalement illégitime : les médecins ne doivent pas transformer leurs patients en objets de soin. Une personne très âgée que nous arrivons, par exemple, à maintenir en vie de justesse après un choc septique, mais qui est dépendante d’un respirateur, a subi une amputation des deux avant-pieds et de trois doigts, a-t-elle une condition de vie acceptable ? Son existence est-elle supportable ? Notre rôle, en tant que médecin est-il de mener nos patients dans de telles situations ? », s’interroge le Pr Jean-Michel Boles, réanimateur médical, à l’hôpital de la Cavale-Blanche (CHU de Brest).
La réflexion sur les limites de la réanimation est ancienne. En 1979, Maurice Rapin avait déjà fait une communication à l’Académie de médecine sur ce sujet ; en 2002, la Société de réanimation de langue française (SRLF) a également apporté des réponses en matière de limitation et d’arrêt de traitement. « En 2005, une loi est venue ajouter une procédure importante pour valider le processus de reconnaissance du refus de l’obstination déraisonnable. Cette procédure n’est autre que la fameuse concertation collégiale qui doit être mise en œuvre avant qu’un médecin, en charge du malade, puisse prendre une décision d’arrêt ou de poursuite du traitement », précise le Pr Boles.
Une question subjective.
Une vie acceptable est une vie acceptée par le patient. Toutefois, certains handicaps ne permettent pas à la personne de s’exprimer. « Il faut faire très attention aux choix que nous sommes amenés à prendre en phase aiguë de réanimation. Car il y a une énorme différence entre notre projection de ce que peut être une vie acceptable et ce que la personne handicapée va supporter », indique le Dr Frédéric Pellas, rééducateur au CHU de Nîmes et membre du conseil d’administration et du comité scientifique de l’Association du locked-in syndrome (ALIS).
La question de l’acceptabilité de la vie se pose pour tous types de handicaps, à n’importe quel âge. Elle reste subjective : une personne ayant un handicap léger peut penser que sa vie est insupportable. À l’inverse, un polyhandicapé, qui a perdu plusieurs sens et/ou membres, peut estimer que sa vie vaut d’être vécue. L’entourage d’une personne en situation de handicap joue un rôle majeur pour l’aider à assumer sa condition de vie. Le Pr Annie Barois, neuropédiatre à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches en est persuadé : « C’est notre regard qui fait le handicap des autres. Une personne en situation de handicap ne peut pas avancer dans sa vie si ses proches ne l’acceptent pas telle qu’elle est. Les enfants handicapés soutenus par leurs parents s’en sortent souvent mieux que les autres. »
Avec le temps, les perceptions évoluent et les patients arrivent parfois à accepter leur handicap, comme en témoigne Bruno Gaurier, membre du comité d’animation des espaces éthiques de l’Association des paralysés de France (APF), qui bénéficie d’un appareillage corrigeant ses 80 % de surdité : « Avant d’être atteint de surdité, j’exerçais le métier de maître de cœur (chanteur violoniste). Lorsque la surdité s’est incrustée dans ma vie, les professionnels de la musique n’ont plus fait appel à moi. Je n’intéressais plus personne… Devenir sourd en étant que musicien était, pour moi, une idée insupportable. Mais avec le temps, j’ai appris à vivre avec ce handicap. » Une belle leçon de vie.
* Les Actes de ces entretiens 2010 peuvent être téléchargés sur le site de la Fondation : www.handicap.org. Les XXIVes Entretiens annuels auront lieu les 24 et 25 novembre, organisés en collaboration avec l’Institut fédératif de recherche sur le handicap, et porteront sur le thème « Handicap neurologique et douleur ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation