LANCÉE d’une manière désinvolte et sans préparation par Nicolas Sarkozy, la suppression de la taxe professionnelle, cet impôt jugé « stupide » par Mitterrand lui-même, en ce sens qu’il frappe les entreprises avant même qu’elles aient pu investir pour leur développement et la création d’emplois, se révèle infiniment moins simple que prévu. Ce qui, déjà, démontre qu’elle n’est pas stupide : elle finance les collectivités locales qui ont besoin de plus en plus d’argent alors que le gouvernement central le leur compte de plus en plus chichement. La taxe professionnelle, c’est quelque huit milliards qui s’ajoutent à la taxe foncière et à l’impôt locatif pour que les mairies, départements et régions puissent bâtir un budget à partir de revenus constants. Enlevez-leur huit milliards et les collectivités sont en faillite.
Le non des vingt-trois.
Ce n’est pas ce que le gouvernement propose. Il a d’abord promis de compenser sou pour sou le manque à gagner des collectivités. Les députés se sont vite aperçus que cette promesse ne valait que pour un an. Le projet de loi de suppression de la taxe professionnelle a donc été remanié par les députés, mais sans doute pas d’une manière décisive puisque les sénateurs le regardent avec suspicion. Vingt trois sénateurs de l’UMP, avec, parmi eux, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, ont déclaré dimanche dernier qu’ils ne voteraient pas la loi en l’état. Tous réclament un projet pour lequel on prenne le temps (plusieurs mois) de réfléchir, de manière à fixer une fois pour toutes le financement des collectivités. Ce n’est plus une grogne, c’est un soulèvement. Or le gouvernement ne dispose pas de la majorité absolue au Sénat et la défection d’un certain nombre de sénateurs de droite risque de se traduire par le rejet du projet de loi.
EN DEHORS DES JEUX DE POUVOIRS, IL Y A UNE OPPOSITION DE FOND ENTRE EXÉCUTIF ET LÉGISLATIF
Le pouvoir se ravise-t-il ? Non, il insiste par la voix de Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, qui exige l’adoption immédiate et par la voix de Frédéric Lefebvre qui déclare que « la majorité parle bien, mais qu’elle doit faire des propositions », et que le texte doit « aller jusqu’au bout ». Depuis quelques mois, les deux porte-parole de l’UMP récitent l’Évangile selon Sarkozy alors que la résistance est conduite par Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée, qui ne cache pas l’antipathie que lui inspire M. Bertrand, et maintenant par Jean-Pierre Raffarin au Sénat. L’ancien Premier ministre est peu suspect d’avoir de nouvelles ambitions, encore que... M. Copé, pour sa part, défend à la fois l’autonomie des élus et sa propre indépendance d’esprit, sans cacher qu’il sera candidat à la présidence de la République en...2017. Sans doute M. Copé ne se singulariserait-il pas comme il le fait si les erreurs de l’Élysée ne se multipliaient, donnant aux élus des occasions répétées d’exprimer leur grogne et de feindre même l’insurrection. Il est vrai que la réforme de la Constitution est censée accorder à l’Assemblée un rôle plus important dans la création des lois, selon un système dit de « coproduction », mais il n’est pas moins vrai que Nicolas Sarkozy, qui a tant voulu la réforme de la Loi fondamentale semble s’en moquer comme d’une guigne. Tout irait bien néanmoins si le pouvoir ne commettait pas d’erreurs nombreuses, depuis la candidature de Jean Sarkozy à la présidence de l’EPAD (candidature finalement retirée) jusqu’à la suppression d’une taxe qu’on veut faire avaler au parlement comme on gave une oie. Cette guérilla entre l’exécutif et le législatif est permanente. Christine Lagarde, ministre de l’Économie, a dû s’interposer la semaine dernière pour empêcher l’Assemblée d’adopter un amendement budgétaire qui prévoyait une surtaxe de 10 % sur les impôts des banques ; lundi, M. Copé s’est élevé publiquement contre Xavier Bertrand qui réclame que les députés reviennent sur un vote supprimant les avantages fiscaux consentis aux sportifs de haut niveau. M. Copé ne veut pas qu’on « prenne les députés en otage ».On aura remarqué que, en s’opposant aux initiatives des élus, l’Élysée apparaît de plus en plus comme hostile à tout impôt, donc au début d’un retour à l’équilibre des comptes, et à la protection d’intérêts particuliers, comme ces banques qui ont fait tant de mal, et ces sportifs qui n’ont qu’à payer leurs impôts en fonction de leurs revenus. alors que les élus essaient désespérément d’introduire un peu de cette justice sociale qui commence à manquer cruellement .
Question de crédibilité.
De grogne en grogne, on risque d’arriver à une situation où les divisions de la droite seront plus marquées que celles de la gauche. M. Sarkozy semble penser que les députés de la majorité n’existent que pour entériner ses projets, fussent-ils mal conçus ou inapplicables, à un moment de la vie publique ou l’individualisme, y compris celui des élus, est à son zénith et où les gens raisonnables se posent des questions inquiètes sur la façon dont ce pays est gouverné. Pour le président, la question est claire : il risque de perdre une bonne partie de sa crédibilité si le Parlement français se conduit comme le Congrès américain, avec des élus qui ont moins de comptes à rendre au président qu’à leurs mandants et qui peuvent bloquer l’action de l’exécutif même s’ils appartiennent à son camp. C’est la raison pour laquelle il s’entête et envoie ses chevau-légers à l’assaut du Palais-Bourbon chaque fois qu’une fronde s’exprime. Mais rien ne l’oblige non plus à concevoir des projets de loi dans une telle précipitation qu’ils arrivent incohérents au bureau de l’Assemblée. Il est temps que Sarkozy prenne son temps, et qu’il examine minutieusement ses projets avant de les déférer aux élus. Il est temps surtout qu’il cesse de faire un tabou de la hausse de la pression fiscale.
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