METTRE un terme au parcours du combattant des plus démunis : tel est l’objectif d’Aline Archimbaud. « On ne cherche pas à entrer en guerre contre les médecins », prévient la sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis. « Mais nous constatons qu’il existe des refus de soins illégaux, et un phénomène de renoncement aux soins qui va croissant », déplore-t-elle.
C’est un constat connu qui l’a incitée à présenter cette proposition de loi, qui sera débattue dans la niche parlementaire du groupe écologiste le 28 mars. Les dispositifs sont grippés : 15 % des personnes éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) n’y ont pas recours. Et seuls 965 000 assurés bénéficient d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) sur près de 4 millions de Français éligibles. Les effets de seuil conduisent parfois des personnes vivant avec le revenu de solidarité active (RSA) à perdre leur doit à la CMU-C lorsqu’ils grappillent quelques heures de travail supplémentaires.
Surtout, 42 % des Français auraient déjà renoncé à des soins chez un spécialiste en raison du coût de la consultation, selon un sondage IFOP cité par la sénatrice.
Cahier des charges.
Les refus de soins, illégaux, sont peu sanctionnés car rares sont les patients qui intentent un recours en justice. À Paris pourtant, le taux de refus (pour des bénéficiaires de la CMU) s’élevait à 25 % en 2009 selon le rapport du fonds CMU. « Moi-même j’ai appelé un cabinet libéral de kiné en prétextant bénéficier de la CMU, j’ai été rejetée », témoigne Aline Archimbaud.
Pour éviter les pratiques de contournement du refus de soins, la PPL l’assimile à un délai de rendez-vous excessif (par rapport aux délais moyens attribués à la patientèle du cabinet) et à des carences dans les transmissions entre spécialistes et généralistes.
Le texte prévoit surtout d’établir un cahier des charges pour organiser des testings, à l’issue d’une consultation avec les représentants de patients et de médecins. Aline Archimbaud espère éviter le tollé qu’avait provoqué Roselyne Bachelot en introduisant dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) des testings supprimés par Matignon. « S’ils sont bien cadrés, les médecins n’ont rien à craindre », assure la sénatrice verte.
Les associations (agréées) pourront en outre accompagner ou épauler un patient victime d’un refus injustifié dans le cadre d’une procédure de conciliation ou d’une action en justice.
Principe déclaratif.
La rapporteure propose ensuite plusieurs dispositions pour simplifier le parcours administratif des bénéficiaires des CMU, CMU-C, ACS et aide médicale d’État (AME). La PPL rétablit le « principe déclaratif » qui permet d’ouvrir des droits dès le dépôt de la demande - avec remboursement des sommes versées si l’inéligibilité du demandeur est ensuite découverte. « Il était dans la loi il y a 14 ans quand la CMU a été créée : des circulaires l’ont supprimé en douce, alors que l’instruction d’un dossier dure 2,5 mois », explique la sénatrice.
La PPL instaure des obligations d’information et de transparence : alerte des bénéficiaires de la CMU et CMU-C deux mois avant l’expiration de leurs droits, rappel de la nécessité de déclarer un médecin traitant lors du changement de caisse d’assurance-maladie, renseignements clairs sur les conditions d’éligibilité aux dispositifs, explication sur les démarches administratives.
Une commission départementale d’accès aux soins est prévue par l’article 7 : cette structure, composée de parlementaires, d’élus locaux, de professionnels de santé et de représentants de patients surveillerait les refus et les difficultés d’accès aux soins. « Les agences régionales de santé sont parfois trop loin » argumente la sénatrice.
Tarifs opposables pour tous les smicards.
Autre mesure sensible : l’article 8 de la PPL vise à étendre certaines garanties tarifaires de l’avenant 8 pour les patients modestes. Toutes les personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au SMIC bénéficieraient des tarifs opposables dès lors qu’elles respectent le parcours de soins, même si le médecin est en secteur II. « C’est une mesure d’égalité sociale, pour lutter contre les effets de seuil » commente Aline Archimbaud.
La PPL a reçu le soutien total des représentants des patients*, qui militent depuis longtemps en faveur des testings afin d’identifier et de combattre les cas de refus. L’accueil est nettement plus mitigé chez les médecins. Presque unanimes dans leur hostilité aux testings (« les cabinets ne sont pas des discothèques », objecte la CSMF), les syndicats médicaux qui ont été auditionnés** sont divisés sur l’élargissement des tarifs opposables garantis. Parmi les militants, le président de MG France Claude Leicher va même au-delà et plaide pour la « cohérence entre le parcours de soins et la prise en charge : vu la crise qui frappe les Français, il est normal de bénéficier des remboursements lorsqu’on suit le parcours de soins », explique-t-il. Le Dr Michel Chassang demande pour sa part l’arrêt des « pressions sur les médecins de secteur II ». Selon le président de la CSMF, « suffisamment de dispositifs existent pour assurer l’accès aux soins, y compris des plus démunis ».
*Aides, Collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers), FNARS, UNIOPSS, ODSE.
**MG France, FMF, CSMF, SML, Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque