Les locaux de l’Institut de santé génésique (ISG) sont encore vides en cette matinée où sa directrice Frédérique Martz nous accueille. Inauguré tout récemment au sein du centre hospitalier intercommunal de Poissy/Saint Germain-en-Laye l’ISG occupe un étage discret dans lequel chaque porte mène sur le bureau d’un des professionnels décidés à mettre leurs forces en commun pour prendre en charge les femmes victimes de violence sur le territoire des Yvelines : une infirmière, une assistante sociale, un médecin généraliste, une gynécologue, une psychologue et une juriste.
« Une femme qui appelle le 3919, et qui demande une aide juridique, va entrer dans un ‘tuyau’ juridique, explique Frédérique Martz, ici, une femme en quête d’aide juridique peut aussi voir le psychologue ou le médecin généraliste qui sont juste à côté ». L’important est d’éviter les ruptures entre les différents rendez-vous. « Quand une femme victime de violence rentre dans le système de soin, il ne faut pas la lâcher », estime le chirurgien Pierre Foldes connu pour avoir mis au point une méthode pour réparer les dommages de l’excision. Or beaucoup se découragent parce qu’il faut attendre trois semaines avant un rendez-vous chez un autre spécialiste. » C’est cet aspect-là que l’ISG essaye de combattre en proposant une offre complète « masquée ». La patiente ne doit pas avoir l’impression d’avoir une machine à gaz en face d’elle, mais doit pouvoir trouver une réponse à tout.
Les patientes qui viennent à l’ISG sont adressées par le réseau en amont constitué de médecins, de boulangers, de policiers, d’avocats, bref de n’importe quel membre de la société civile. Sur place, il n’y a pas de tarif de consultation puisque les vacations des intervenants sont assurées par l’ISG. Parmi les dizaines de patientes qui ont déjà franchi la porte de l’Institut, on nous cite l’exemple d’une patiente venue par le biais d’une association d’aide au logement. Alors que c’est un problème social qui motivait sa venue, un problème médical est apparu lors d’une entrevue avec la psychologue : la précarité de sa situation l’avait forcé à arrêter de prendre son traitement antidiabétique. Elle est donc prise en charge par le médecin référent aux urgences qui constate qu’elle n’a pas de carte CMU. L’assistante sociale est donc intervue puis le pharmacien de proximité a été contacté. Entre 10h du matin et 17h, cette patiente a pu faire un tour complet de ses problèmes.
Le casse-tête du secret partagé
Céline Balança est juriste en droit pénal, elle a beaucoup travaillé avec les migrants africains au Maroc avant de revenir en France et assurer des vacations à l’ISG. « Les femmes qui viennent ici n’ont jamais entrepris de démarche juridique, et leur premier pas est souvent médical, souligne-t-elle. Notre fonctionnement évite l’angoisse de prendre directement un rendez-vous avec un avocat ou de se rendre au commissariat. » Concernant les problèmes de secrets professionnels qui se croisent à l’institut, Céline Balança explique : « Nous avons des secrets professionnels partagés pour leur éviter de répéter plusieurs fois leur histoire. Tout ce qui peut être utile à savoir pour la prise en charge de la patiente est communiqué d’un professionnel à l’autre. » Concrètement, quand une patiente se présente pour la première fois, un dossier commun est constitué par l’infirmière ou l’assistante sociale, dans lequel chaque professionnel va indiquer les éléments qu’il peut partager avec les autres. Cela a impliqué la mise au point d’un langage et d’un protocole en commun. L’identité par exemple ne fait pas nécessairement partie de ces « secrets partagés », un numéro suffit mais le statut matrimonial ou des éléments de la santé psychologique doivent y figurer.
Remettre la médecine de ville au centre
Pour fonctionner correctement, un tel centre a besoin de bons réseaux d’amont et d’aval, et c’est là que Frédérique Martz et Pierre Foldes veulent remettre la médecine de ville au centre du jeu. « Dans les réflexions autour des violences faites aux femmes, les médecins libéraux n’étaient jamais dans la boucle », expliquent-ils. Lors de leurs échanges avec le ministère des Affaires sociales et de la santé, le discours officiel insistait sur le rôle des urgences et de la médecine hospitalière, des acteurs importants mais qui interviennent trop tard selon Pierre Foldes : « Les urgences, c’est une médecine qui est déjà proche de la crise, quand vous allez voir un médecin, c’est pour des choses plus en amont. La médecine ne devrait pas être une médecine de la dernière chance. C’est là que la médecine libérale, qui est partout et proche des gens, a un rôle à jouer. » Pour renforcer l’implication des médecins libéraux des Yvelines, l’ISG coordonne des journées de formations pour les sensibiliser à la problématique des violences et enseigner la prise. À la fin de plusieurs d’entre elles, des médecins généralistes ont reconnu que certaines de leurs patientes avaient peut-être un profil de victimes de violences, sans qu’ils ne les aient repérées.
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