ALORS QUE le gouvernement américain se réjouit du colmatage définitif, le 19 septembre, de la fuite de pétrole qui avait débuté fin avril dans le golfe du Mexique, l’Institut national des sciences de l’hygiène de l’environnement (NIEHS) lance, fin octobre, une étude sur le suivi à long terme des travailleurs et des volontaires impliqués dans le nettoyage de la mer et des plages polluées. Une enquête qui, comme l’indique au « Quotidien », la directrice du projet pour le NIEHS, Dale Sandler, « aura une ampleur jamais atteinte auparavant ».
Financée grâce à 10 millions de dollars fournis par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH), dont le NIEHS fait partie, auxquels s’ajoutera une part non définie d’une autre dizaine de millions de dollars venant de BP, cette étude devrait permettre de surveiller la santé de 55 000 personnes sur une période de dix ans. Elle sera fondée sur l’observation d’une cohorte constituée essentiellement d’adultes, de langues anglaise, espagnole ou vietnamienne, qui ont effectué un travail de nettoyage en rapport avec la marée noire, et de personnes similaires non impliquées dans le nettoyage, qui serviront de contrôle. Trois groupes seront définis. Le premier comprendra environ 28 000 individus et fera l’objet d’un suivi actif. À l’intérieur de celui-ci, un sous-groupe d’environ 5 000 personnes sera sélectionné pour un suivi biomédical. Enfin, un troisième groupe de quelque 27 000 individus sera soumis à un suivi passif.
Les participants seront interrogés sur les tâches effectuées dans le contexte du nettoyage de la marée noire, sur des facteurs démographiques et socio-économiques, sur leur histoire professionnelle et de santé, sur des facteurs psychosociaux et sur leur santé physique et mentale. Les membres de la cohorte active devront en outre fournir des échantillons biologiques (sang, salive, cheveux, etc.) et des mesures cliniques de base (poids, taille, pression artérielle, mesures de capacité pulmonaire...) à l’enrôlement ainsi que des échantillons environnementaux (poussières de l’habitation, eau du robinet, etc.) Le sous-groupe fera l’objet d’une surveillance médicale plus continue et plus détaillée.
L’étude prendra en compte les effets à court terme, mais a aussi pour but aussi d’assurer un suivi à long terme. Dale Sandler souligne pour « le Quotidien » que cette enquête a l’avantage d’avoir été lancée rapidement et constitue « l’une des premières qui aient été conçues pour l’étude des effets à long terme d’une marée noire ». L’épidémiologiste reconnaît cependant que les circonstances ne sont pas idéales.
En effet, observe-t-elle, « nous n’avons pas pu obtenir de données dans la communauté pendant la phase la plus active du désastre ». Elle rappelle qu’il n’y a pas non plus de données concernant la population avant le désastre. « Une comparaison nette va être difficile, concède-t-elle. Il n’y a pas de solution parfaite Il va falloir que nous soyons créatifs dans la manière d’établir des comparaisons. »
Sceptique.
Le Dr Michael Harbut, directeur du centre de médecine du travail et de l’environnement de l’institut du cancer Karmanos, à Détroit, dans le Michigan, maintient ses critiques sur suivi médical de la marée noire (« le Quotidien » du 11 juin 2010). Interrogé par « le Quotidien », il reconnaît à l’étude du NIEHS le mérite « d’essayer, au moins, de prendre en compte les effets sur la santé » mais il ne cache pas son scepticisme. Ce médecin, qui dit avoir traité de nombreux patients exposés à des produits pétroliers et des solvants, est en effet très déçu par les données actuellement disponibles (voir encadré). Elles constituent, à son avis, le résultat « d’approches éparpillées » par des médecins et des enquêteurs qui n’avaient pas la formation adéquate pour les interpréter. Ces informations qui énumèrent des symptômes et des causes possibles ne font pas état de diagnostic clair. Le Dr Harbut déplore qu’il n’y ait pas eu d’examens médicaux approfondis. « Je suis attristé par le manque de rigueur scientifique (de ces études), qui ont été réalisées par des enquêteurs qui n’étaient pas motivés sur le plan médical, dit-il. Attribuer la moitié des malaises à des coups de chaleur, c’est absurde ! »
Pour lui, le succès de l’étude lancée par le NIEHS dépendra donc de la compétence des personnes qui en seront chargées, qui devraient absolument compter des praticiens confirmés de la médecine du travail et de l’environnement.
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