« IL NE S’AGIT pas d’une remise en question du principe de précaution », a prévenu d’emblée Chantal Jouant, secrétaire d’État à l’écologie, en présentant l’avis du Comité de la prévention et de la précaution (CPP) sur la « décision publique face à l’incertitude ». La clarification des conditions d’application de ce principe, constitutionnel depuis 2005 lors de l’adoption de la charte de l’environnement, doit tendre au contraire à le renforcer. « Ce que propose le CPP, c’est la mise en place d’une boîte à outil du principe », explique Chantal Jouant, qui avoue qu’à l’usage, il est très difficile de prendre une décision publique en situation d’incertitude.
Récemment, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC), à l’initiative duquel un débat était organisé hier à l’Assemblée, estimait également nécessaire une telle clarification en particulier dans le domaine sanitaire (« le Quotidien » du 8 juin), puisque le principe de précaution était au départ un principe de gestion environnemental. « On confond trop souvent la prévention et la précaution, ce qui conduit à des excès dans un sens comme dans l’autre », regrette la ministre. Pourtant, la ligne de démarcation n’est pas si absconse, comme le montre le « schéma simplifié d’élaboration de la décision publique » proposé par le CPP.
Si la décision publique peut s’appuyer sur une évaluation du risque (danger clairement identifié, scénarios d’exposition proposés), elle relève du régime de prévention. C’est ce régime qui a prévalu tant pour la vaccination de la grippe H1N1 que pour l’interruption du trafic aérien lors du nuage de cendres du volcan islandais, cite en exemple Chantal Jouant. En revanche, le régime de précaution correspond à des situations d’incertitude forte sur des dangers ou leurs conséquences. La décision publique ne peut alors se prévaloir d’une évaluation définitive du risque.
Démarche éthique.
Si l’on se fonde sur le principe de précaution et « s’il existe des suspicions de dommages graves et irréversibles », l’incertitude ne constitue pas une raison valable de remettre à plus tard l’adoption de décision de nature à mieux évaluer le risque et anticiper un éventuel dommage. Mais attention, précise la ministre, « le principe de précaution n’est pas l’application d’un moratoire : c’est sa phase ultime ». Ce principe proportionné, qui bénéficie d’un cadre juridique national et international (notamment dans le droit communautaire avec le traité de Maastricht), s’applique « typiquement à l’usage des téléphones portables par les enfants », estime-t-elle. Il est bon « d’avoir sous le coude un schéma qui puisse orienter la décision publique », notamment pour en tirer un retour d’expérience, renchérit le Pr Alain Grimfeld, président du CPP. La décision en présence d’incertitude doit s’appuyer sur une évaluation des choix d’action sur les plans sanitaire et environnemental mais aussi économique et social. « Ce trépied est le fondement de toute démarche éthique », ajoute le Pr Grimfeld, également président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Par ailleurs, ce processus de décision qui, par définition, dépend d’une situation temporaire et révisable, doit impliquer les parties prenantes, à savoir la population. Il faut « informer et associer le public » : cette condition ne relève pas de la démagogie mais de la « démocratie bien sentie », insiste-t-il.
C’est maintenant aux parlementaires de désigner les acteurs de ce processus de décision. La future Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), fusion de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), qui doit voir le jour le 1er juillet prochain, pourrait évidemment y jouer un rôle. Ce qui est sûr, aux yeux de Chantal Jouant, c’est que les instances existantes ne sont pas suffisamment utilisées. Il en va ainsi du CPP, créé en 1995 pour contribuer, entre autres, à mieux fonder les politiques du ministère de l’environnement sur les principes de précaution et de prévention.
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