Le débat sur l’identité nationale

Un voyage dans la perplexité

Publié le 11/11/2009
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LA FICELLE est trop grosse pour que nous soyons dupes. Le débat n’a pas d’autre objectif que de renforcer la majorité en attirant des éléments de l’extrême droite dans la perspective des élections régionales de mars prochain. On s’idigne de ce qu’une question de fond soit mise au service d’un intérêt particulier et à l’occasion d’une affaire conjoncturelle. Il n’empêche que, à droite comme à gauche, d’aucuns ont répondu « chiche ! » parce que, tout en contestant le timing du débat, ils souhaitent y participer.

Forgée par les circonstances.

Notre premier réflexe relève d’un profond scepticisme. Il nous semble que l’identité nationale est moins forgée par les hommes que par les circonstances historiques. Il y a un siècle, la France était un pays où les chrétiens formaient une écrasante majorité. Elle n’avait pas encore participé à deux guerres mondiales qui devaient donner à l’identité nationale un prix incalculable en sang et en souffrances. Elle n’avait pas eu besoin de l’afflux énorme d’immigrés nécessaire à la reconstruction d’après la guerre de 1939-45. En revanche, elle avait posé les fondements du cadre au sein duquel sa population pouvait se diversifier en adoptant la laïcité. Cent ans plus tard, c’est le président de la République lui-même qui, en accordant plus de crédit au prêtre qu’à l’instituteur, a semblé prendre ses distances avec la laïcité. Non pas qu’il ait commis un crime : comme la société française a fait de la laïcité un impératif catégorique, elle a marqué le pas, à cause d’une immigration non chrétienne et des difficultés sociales qu’elle a entraînées . Fallait-il adopter le modèle américain qui, au lieu de fondre tous les nouveaux arrivants dans le même moule, respecte leur spécifité et accepte même, sans l’officialiser, l’idée de nationalités différentes ? Nous ne nous y sommes pas résignés, mais l’intégration, pour le moment, est un échec.

LA TRILOGIE LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ FERAIT PARFAITEMENBT L’AFFAIRE SI ELLE ÉTAIT APPLIQUÉE

Qu’est ce qui fonde l’identité nationale ? Le drapeau, beau et simple en ce qu’il rend compte de la trilogie liberté, égalité, fraternité, mais qui ne reflète, dans la réalité, que le premier des trois termes ? L’hymne national, dont les paroles sont pour le moins dépassées ? La langue, magnifique, mais que le peuple français apprend mal et massacre souvent ? Pour vénérer le drapeau, il faut l’apercevoir au balcon d’un consulat de France dans un pays privé de droits. En France même, on ne perd guère de temps à le contempler. Personne ne connaît par cœur la totalité des strophes de l’hymne national que l’on chante néanmoins avant les matches de football. Quant à la langue, ce sont plus les gens cultivés (mot qui rime avec aisés) qui la servent le mieux. Ce que nous définit le mieux, c’est encore la liberté de penser, d’écrire et de nous exprimer. Mais nous partageons cet immense privilège avec beaucoup de nations. Nous ne sommes pas plus libres que les Allemands ou les Anglais. Nous ne faisons pas non plus de cette liberté une exigence si absolue qu’elle doive contaminer les nombreux peuples encore sous le joug, à commencer par cette Chine immense dont tout le monde admire le développement économique. Il suffit de savoir comment on a traité en France la sous-ministre des Droits de l’homme. Rama Yade a parlé selon son cœur et maintenant elle est aux Sports, et pas pour longtemps.

Une identité inachevée.

Notre identité nationale est inachevée. Le drapeau tricolore l’exprime bien. Nous avons sincèrement tenté d’apporter à la société française l’égalité et la fraternité dont elle manque cruellement. Ce n’est, en vérité, la faute de personne : les accueillants ont essayé d’assimiler les accueillis, qui ont voulu garder, dans leur propre identité, les éléments qu’ils importaient ou que leurs ascendants avaient importés. Et s’ils se sont repliés sur leur propre culture, c’est parce que l’assimiliation n’a pas fonctionné.

Égalité et fraternité peuvent aujourd’hui être confondus dans un seul mot : solidarité. Nous devons bâtir une France solidaire, non pas, comme disent quelques irresponsables, en ouvrant toutes grandes les portes de l’immigration, mais en faisant des Français issus de l’immigration et même des étrangers résidents des citoyens à part entière. Du sang étranger coule dans les veines dans une forte fraction de la population française. Nous ne saurions nier aux immigrés ou à leurs descendants les droits dont beaucoup de Français actuels ou leurs parents ont bénéficié. Nous le ferons d’autant mieux que nous ne serons pas sans cesse accablés par l’arrivée par dizaines de milliers de nouveaux imigrants. Nous devons tout à ceux qui sont ici, y compris le sans-papiers, et seulement un peu de compassion à ceux qui fuient leur pays d’origine parce qu’ils estiment ne pas avoir le choix. Nous ne réussirons jamais l’intégration des immigrés et de leurs descendants si chaque que nous en aurons assimilé mille, il en vient dix mille de plus.

L’identité nationale, c’est d’abord la laïcité qui, seule, permet de donner les mêmes droits à tous. C’est ensuite la langue française que tous doivent parler et que nous devons donc enseigner à tous. Il n’y a rien de plus réconfortant que de voir une personne issue de l’immigration parler le français avec l’accent du midi. C’est enfin une société solidaire. La solidarité, ça s’apprend. Elle existe au niveau de l’État qui ne fait pas de différence quand il s’agit de la Sécurité sociale ou des retraites. Des gens qui n’ont jamais acquis la nationalité française ont travaillé en France toute leur vie, parlent fort bien le français, ont cotisé pendant des décennies, touchent leurs allocations comme tout le monde. L’identité nationale, c’est l’intégration, et elle est menacée moins par des éléments étrangers qui refusent d’être assimilés, que par l’échec de l’intégration en ce qui les concerne.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr