L’ÉTUDE CABIPIC est l’une des premières études en France à s’intéresser aux risques infectieux des médecins libéraux. « L’absence de surveillance épidémiologique des accidents d’exposition au sang (AES) chez les médecins libéraux et l’absence de médecine du travail et de prise en charge obligatoire par l’assurance-maladie au titre d’accident du travail laissent penser qu’un écart s’est creusé en matière de prévention ... entre les établissements de soins et le secteur libéral », soulignent Clotilde Cambon-Lalanne et col.. En effet, dans ces établissements le risque a bien été identifié : les AES constituent la cause la plus fréquente d’accidents de travail et les mesures de prévention de ce risque de contamination virale (VIH, VHC et VHB) ont fait la preuve de leur efficacité. Chez les libéraux, seul existe un guide de prévention publié en 2006 par la Direction générale de la santé.
Afin d’évaluer le risque et sa gestion en pratique libérale, les auteurs ont enquêté, à l’aide d’un auto questionnaire anonyme, auprès de 147 médecins libéraux exerçant dans le secteur Nord de la région parisienne et ayant une spécialité d’exercice exposant à un risque infectieux potentiel (médecine générale, ORL, dermatologie, rhumatologie, gynécologie, pédiatrie, oncologie).
Incidence élevée.
La majorité (89 %) des médecins interrogés a déclaré devoir réaliser des gestes invasifs (suture, infiltration intra-articulaire, intramusculaire, sous-cutanée ... ). La moitié d’entre eux avouent recapichonner les aiguilles après utilisation, « un geste pourtant à risque élevé d’AES », soulignent les auteurs de l’étude.
Ainsi 33 % des médecins déclarent avoir déjà été victimes d’AES (82 % par piqûre) dont 8,2 % au cours de l’année écoulée, une incidence importante si on la compare aux 2,4 % d’incidence cumulée d’AES observée en 2009 par le RAISIN (Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales). Concernant la conduite à tenir après un AES, 82 % des médecins victimes d’AES déclarent avoir immédiatement lavé et désinfecté la zone lésée avec un antiseptique, 29 % avoir consulté un médecin référent dans les 48 heures suivant l’accident et 8,2 % avoir reçu un traitement antirétroviral. Les médecins qui ont soutenu leur thèse après l’année 2000 (l’enseignement sur les AES dans les facultés de médecine a commencé dans les facultés de médecine en 1990) ont plus consulté un médecin référent que les autres (77,7 % contre 17,9 %).
L’étude Cabipic met en évidence une sous-déclaration des AES en milieu libéral. Seulement un quart des victimes ont déclaré cet accident du travail. Ceux qui avaient souscrit une assurance complémentaire AT-MP (accident du travail-maladie professionnelle) ont plus souvent déclaré que les autres (66 % contre 34 %). Toutefois seulement 33 % des médecins interrogés avaient souscrit cette assurance. « La lourdeur des démarches, la méconnaissance et le caractère facultatif de cette assurance en ambulatoire pourraient expliquer le faible taux de souscription à celle-ci », indiquent Clotilde Cambon-Lalanne et col.
Médecine préventive.
Les auteurs ont également cherché à évaluer le mode de gestion des DASRI (déchets d’activité de soins à risques infectieux) et OPCT (Objets piquants, coupants et tranchants). Au cabinet, 90 % des médecins ont déclaré effectuer un tri des DASRI ; 98 % d’entre eux éliminent les OPCT dans un conteneur spécifique et 49 % éliminent les déchets mous dans un emballage distinctif. Pour ceux qui déclarent faire des visites à domicile, seuls 33 % indiquent emporter les OPCT dans un conteneur spécifique.
Quant à la couverture vaccinale, l’étude révèle que les taux d’immunité déclarés « sont satisfaisants pour les vaccinations obligatoires » même si les médecins ne bénéficient d’aucune surveillance. En revanche la couverture vaccinale nécessite encore d’être améliorée pour les vaccinations recommandées.
Parmi les pistes d’amélioration de la prévention du risque infectieux des médecins, les auteurs suggèrent la souscription systématique à une assurance complémentaire AT-MP, le renforcement du développement professionnel continu sur cette thématique et le développement d’une médecine préventive. Interrogés au cours de l’enquête, 79 % des médecins participant ont affirmé être favorables à la mise en place d’un tel service de médecine préventive.
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