« IL N’ÉTAIT PAS évident qu’un collectif interassociatif de défense des intérêts des personnes vivant avec le VIH s’engage dans ce chantier de recherche en prévention biomédicale, surtout au sein du groupe d’élaboration de l’essai. » Le communiqué du TRT-5 sorti à l’occasion de la publication du rapport de synthèse de la consultation communautaire menée par le collectif associatif* témoigne du caractère inédit de la démarche. « Notre mission première est une mission de vigilance et de veille éthique. Notre expertise est plutôt limitée aux traitements, à la recherche thérapeutique, à la prise en charge médicale du VIH et tout ce qui touche à la vie avec le VIH », explique au « Quotidien » François Berdougo-Le Blanc, coordinateur du TRT-5. L’importance de l’enjeu, le caractère innovant du projet et la nécessité d’un travail collectif a conduit le TRT-5 à accepter la proposition des chercheurs d’une implication dès la phase d’élaboration du projet d’essai de « traitement antirétroviral à la demande en prophylaxie pré-exposition (PrEP) chez les homosexuels masculins en France et au Québec » proposé par l’ANR. Premier essai de ce genre mené en France, il s’inscrit dans un contexte de dynamique de l’infection chez les gays et homosexuels particulièrement forte, avec une incidence annuelle de 1 %.
400 personnes dans 14 villes.
« Très tôt, il nous a paru évident qu’il fallait tenter de recueillir l’avis de personnes directement concernées par le projet », poursuit le coordinateur de TRT-5. « On est dans un contexte en France où les enjeux de prévention chez les gays ont été très conflictuels. La question de la réduction des risques sexuels a pendant très longtemps été un enjeu sémantique et politique important. Cela fait seulement un an ou deux que le vocabulaire même de la réduction des risques sexuels est devenu acceptable pour l’ensemble des acteurs. Il est désormais dans le rapport Pialoux-Lert. »
Une consultation communautaire a donc été organisée avec le soutien financier de l’ANRS dans 10 villes entre février et juillet 2010. Des échanges ont également eu lieu, via internet. Quelque 400 personnes ont participé à 14 rencontres et débats, pour la plupart des acteurs associatifs de la lutte contre le VIH/sida ou des membres de la communauté gay, 20 % ne déclarant aucune affiliation associative ou identitaire. Les données recueillies ne traduisent que partiellement les attentes et les interrogations des personnes directement concernées par le projet d’essai : les homosexuels masculins non infectés par le VIH ayant des rapports sexuels anaux sans utilisation systématique d’un préservatif avec au moins 2 partenaires sexuels différents dans les 6 derniers mois. En revanche, elles apportent des « éclairages essentiels sur la perception des enjeux de la prévention chez les gays et les HSH », précise le rapport. En particulier, les participants semblent avoir conscience que la prévention doit évoluer (« La capote ne suffit plus, il faut d’autres moyens »).
Sur le principe de la PrEP, les avis sont « contrastés, allant de l’enthousiasme au rejet ». Elle est parfois perçue comme s’inscrivant dans un nouveau paradigme, celui d’une biomédicalisation de la prévention qui peut susciter de la crainte ; à l’inverse, elle est considérée comme un outil supplémentaire qui élargit la gamme des moyens de prévention.
Des questions sur le protocole de l’essai, le choix du public cible, les critères d’inclusion, la présence d’un bras placebo ou même sont coût ont également été posées.
Méfiance vis-à-vis de chercheurs.
La consultation a aussi mis en évidence « une assez grande méconnaissance de la recherche médicale, et encore davantage de la recherche biomédicale en prévention », indique le rapport. D’où un sentiment de méfiance vis-à-vis des chercheurs. Paradoxalement et en miroir de cette méconnaissance, les participants ont exprimé le souhait de renforcer leurs capacités dans ce domaine et de participer aux réflexions et aux discussions sur la recherche, l’élaboration des stratégies et des discours et des messages de prévention. Concernant la démarche de consultation elle-même, si elle a été jugée globalement positive, elle a aussi soulevé quelques craintes et parfois de la défiance, des « participants se demandant si, plutôt qu’une tentative de récolte d’avis sur l’essai, elle n’est pas une façon de préparer les associations de lutte contre le sida et identitaires LGBT à sa mise en place », relève le rapport. Le rôle des associations a aussi été questionné, TRT-5 apparaissant comme un « VRP » du projet. Le TRT-5 a d’ailleurs annoncé qu’il allait quitter le groupe d’élaboration du projet d’essai, « afin de retrouver une place plus habituelle de "vigilance extérieure", en matière d’adéquation de la recherche aux besoins des personnes et de défense des intérêts et des droits des participants à la recherche ». L’association AIDES, qui a déjà collaboré avec l’ANRS sur les programmes de recherche sur les tests rapides (projet COM’TEST et DRAGTEST), va être co-investigateur, coopérateur de l’essai et participera au processus de recrutement des volontaires. Cette fois, c’est AIDES qui devrait prendre ses distances avec le TRT-5, car « nous ne pouvons pas être juge et partie », assure Christian Andréo, directeur des actions nationales d’AIDES. À la suite de la consultation, l’ANRS va mettre en place un comité de représentants associatifs et communautaires qui va accompagner le projet jusqu’au bout.
* Actif Santé, Actions Traitements, Act Up-Paris, Act Up-Sud Ouest, AIDES, Arcat, Dessine moi un mouton, Nova Dona, Sida Info Service, Sol en Si.
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