C’est la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire (HPST) de 2009 qui a inscrit dans le code de la santé publique l’éducation thérapeutique du patient (ETP). « Cela constitue une grande avancée pour l’ETP ; cette loi a été accompagnée d’un cadre réglementaire strict qui a profondément modifié la pratique, à compter de 2011, de l’ETP qui fait désormais partie du parcours de soins du patient, avec comme objectif de le rendre plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements et en améliorant sa qualité de vie », indique le Pr Liana Euller-Ziegler, chef du service de rhumatologie au CHU de Nice. « Pendant longtemps, l’ETP a été considérée comme un « traitement orphelin ». Aujourd’hui, elle est incontournable et reconnue comme une priorité pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Elle revêt notamment un intérêt tout particulier pour les patients atteints de maladies ostéoarticulaires chroniques », souligne le Pr Euller-Ziegler, en précisant que la Société française de rhumatologie (SFR) s’est dotée en 2008 d’une section spécialisée ETP.
Pourquoi éduquer les patients ? « Le vécu des patients est la première raison. Les maladies ostéoarticulaires chroniques, source de douleurs et de handicap, peuvent avoir des conséquences personnelles, psychologiques, familiales et socioprofessionnelles parfois très lourdes. L’atteinte de la qualité de vie s’accompagne souvent d’un sentiment d’incompréhension et de grande solitude. L’adhésion aux traitements au long cours est une problématique complexe, incluant entre autres l’impact des croyances personnelles de chaque patient. L’avènement des biothérapies a créé de nouveaux besoins éducatifs (savoir réaliser ses injections, savoir gérer la survenue de situations particulières telles que infection intercurrente, voyage, vaccinations, intervention chirurgicale…), avec l’émergence de compétences de sécurité en plus des compétences d’autosoins et d’adaptation », indique le Pr Euller-Ziegler, en ajoutant que l’ETP fait d’ailleurs partie des recommandations de bonnes pratiques nationales et internationales notamment pour la polyarthrite rhumatoïde (PR), les spondylarthrites, l’arthrose, les lombalgies, l’ostéoporose.
Savoir, savoir-faire et savoir-être.
Aujourd’hui, les bénéfices de l’ETP sont reconnus : meilleure observance, meilleure qualité de vie ; plus grande participation du patient aux décisions médicales, avec diminution de l’anxiété et augmentation de la satisfaction à la fois des patients et des médecins ; diminution des complications, des hospitalisations, de l’absentéisme… « Il s’agit d’un véritable transfert de compétence soignant soigné (savoir, savoir-faire, savoir-être), visant à rendre le patient acteur de sa propre santé et partenaire des professionnels, indique le Pr Euller-Ziegler. L’information du patient et de son entourage, indispensable, n’est pas suffisante (savoir n’est pas faire). La qualité de la relation médecin malade demeure bien entendu fondamentale ».
« La recherche, dans ce domaine est très active, mais l’évaluation de l’ETP est en fait complexe, notamment en raison de difficultés méthodologiques… », indique le Pr Euller-Ziegler, qui a mené en ligne sur le site de la SFR, avant puis après la Loi HPST, des enquêtes montrant que la communauté rhumatologique est très active dans le domaine de l’ETP. « C’est dans la polyarthrite rhumatoïde que les programmes d’éducation sont les plus nombreux, mais tout le champ des maladies chroniques des os et des articulations est progressivement couvert. Un premier bilan provisoire des autorisations, délivrées par les agences régionales de santé (ARS) montrait un taux d’autorisations globalement du même ordre que le taux national global, toutes maladies confondues. Le secteur hospitalier est à cet égard très majoritaire », indique le Pr Euller-Ziegler.
Le rôle des associations de malades.
À l’heure actuelle, tout le monde reconnaît le rôle des associations de patients. « Le patient est à l’évidence la personne la mieux placée pour savoir ce que c’est que de vivre avec la maladie ; il développe une véritable expertise de la maladie chronique, complémentaire de l’expertise scientifique du médecin et plus globalement des professionnels de santé », indique le Pr Euller-Ziegler, en soulignant que le médecin libéral a son rôle à chaque étape de l’ETP. « Dans le champ de la rhumatologie, selon ses compétences et son organisation, il peut coordonner un programme éducatif autorisé ou y participer. Actuellement, dans le cas le plus fréquent, le praticien libéral, après avoir proposé la démarche d’éducation à son patient et obtenu son consentement écrit, l’adresse à son correspondant hospitalier, qui mettra en œuvre, avec une équipe multidisciplinaire formée, les actions d’ETP. Il est tenu régulièrement informé par courrier des synthèses des différentes étapes et valide, en revoyant son patient, les acquis du programme d’ETP, puis déclenche, si besoin à nouveau, une prise en charge éducative », indique le Pr Euller-Ziegler.
« L’ETP fait donc désormais partie du parcours de soins du patient, avec des bénéfices démontrés, mais de nombreuses questions restent posées : égalité d’accès des malades à l’éducation thérapeutique, nombre suffisant de professionnels pour assurer l’ETP, formation des professionnels impliqués, place des patients, partenariat ville hôpital, financement… Il s’agit d’un enjeu très actuel ! », estime le Pr Euller-Ziegler.
D’après un entretien avec le Pr Liana Euller-Ziegler, chef du service de rhumatologie au CHU de Nice.
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