« LA FRANCE ne peut plus continuer à cautionner et financer les pratiques de type psychanalytique dans le traitement de l’autisme », considère Daniel Fasquelle, président du groupe d’études parlementaire sur l’autisme. En cette année de grande cause nationale 2012 pour la maladie, le député UMP du Pas-de-Calais jette un pavé dans la mare, avec une proposition de loi visant purement et simplement l’arrêt des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes. « Les pratiques psychanalytiques captent la majeure partie des moyens financiers alloués à cette pathologie, freinant ainsi la mise en place de traitements adaptés tels que les méthodes éducatives et comportementales, hypothéquant la vie des autistes à l’âge adulte », peut-on lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. « L’approche psychanalytique de l’autisme a été abandonnée depuis au mois 20 ans dans la plupart des pays occidentaux au profit de méthodes éducatives et comportementales ... Aucune étude scientifique publiée ne permet d’attester du bien-fondé ni surtout de l’efficacité de la démarche psychanalytique, contrairement à certaines techniques de rééducation spécifiques (outils de communication, méthodes éducatives, méthodes comportementales) », argumente le député. « Le bilan des premières rencontres parlementaires sur l’autisme (du 12 janvier dernier) a achevé de me convaincre, tant l’unanimité sur le sujet semblait régner parmi les diverses parties prenantes : chercheurs et professionnels, représentants politiques, associations de familles », déclare-t-il.
Une évaluation est en cours.
Le dépôt de cette proposition de loi est naturellement salué par le Collectif autisme*, instigateur de ces rencontres parlementaire et de la candidature au label « grande cause nationale ». « Les associations de familles soutiennent le député dans sa démarche et vont envoyer un mail aux parlementaires pour les inviter à se positionner à leur tour sur la question », indique le collectif dans un communiqué. Du côté des psychiatres, la proposition de loi dérange d’abord sur la forme. « Bien que je ne sois pas pro psychanalyse, cette initiative d’interdire ainsi les pratiques psychanalytiques n’est pas raisonnable », déclare le Dr Richard Delorme, pédopsychiatre à l’Hôpital Robert Debré (Paris). « Ce qui me pose problème, c’est l’aspect purement législatif avec une absence de preuves scientifiques. Ce qui est important, c’est de promouvoir un modèle médical de bonnes pratiques avec des évaluations par des protocoles bien menés », ajoute-t-il.
« On ne comprend pas très bien ce que vient faire une loi pour déterminer finalement les règles thérapeutiques. C’est extrêmement étonnant comme procédure, d’autant qu’actuellement il y a des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) qui sont en cours de rédaction », souligne le Dr Jean-Michel Thurin, co-coordinateur du réseau de recherche fondé sur les pratiques psychothérapeutiques (RRFPP). Mis en place sous l’égide de la Fédération française de psychiatrie (FFP) et de l’INSERM, ce réseau achèvera d’ici à quelques mois une évaluation de l’approche psychothérapeutique des enfants avec autisme. Le Pr Pierre Delion, pédopsychiatre au CHRU de Lille, juge pour sa part « regrettable » de voir des « positions aussi tranchées prises par des députés » n’ayant « pas la légitimité pour prendre des positions sur un plan technique ». Le Pr Delion dénonce un certain procès fait ici à la psychanalyse. « C’est comme si l’on retirait la chirurgie sous prétexte qu’il y a de mauvais chirurgiens », considère-t-il. « La psychanalyse à condition qu’elle soit appliquée intelligemment aide à penser pour partie la question de l’autisme. Il y a eu des psychanalystes crétins qui ont dû se parer dans leur mégalomanie et entraîner chez les parents des attitudes de rejet compréhensible », commente le pédopsychiatre. Dans son rapport d’Évaluation de l’impact du plan autisme 2008-2010, Valérie Létard met en avant les retards majeurs pris en France dans la mise en place d’une approche éducative. Néanmoins, pour la sénatrice, l’opposition ancienne des psychiatres et familles entre approches de nature essentiellement psychanalytique et approches éducatives et thérapeutiques commencent à s’atténuer. « La très grande majorité des psychiatres qui s’occupent d’enfants autistes, a abandonné la théorie psychogénétique, mais reste attachée à une position soignante, prenant en compte les aspects affectifs et cognitifs ainsi que l’importance de l’histoire individuelle de l’enfant dans son contexte familial et culturel », constate-t-elle, jugeant que la posture n’est « pas en contradiction absolue avec l’absolue nécessité d’une approche éducative ».
*Autisme France, Sésame Autisme, Autistes sans Frontières, Pro Aid Autisme, Asperger Aide France, Fondation Autisme.
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