Au cours d'un débat organisé par les « Contrepoints de la santé »* qui s'est tenu le 23 novembre, deux spécialistes de la santé publique exposent leurs attentes concernant le Ségur de la santé publique alors que la crise du Covid-19 a remis cette spécialité sur le devant de la scène. Initialement prévu à l'automne, ce deuxième Ségur a finalement été reporté au printemps 2021.
« La lutte contre les épidémies a fondé historiquement la santé publique. La question de l'avenir de la santé publique peut donc être reposée à l'occasion de cette nouvelle crise », commence le Pr Franck Chauvin, président du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Selon lui, deux courants s'affrontent lors de ce type d'épidémie : « Un courant axé sur la circulation du virus, basé principalement sur les infectiologues, et un second plus systémique qui vise davantage à contrôler les conséquences en termes de santé de la population. La santé publique doit réunir les deux. »
De son côté, le Pr Emmanuel Rusch, président de la Société française de santé publique (SFSP), de la Conférence nationale de santé (CNS) et du Comité de contrôle et de liaison Covid-19, constate que les spécialistes de la santé publique ont été peu présents sur la scène médiatique. « En termes de spécialités, il y a peut-être un rapport de force qui n'est pas favorable à la santé publique de façon générale dans notre pays », avance-t-il.
Le Pr Chauvin déplore en effet que les concepts et les méthodes de la santé publique aient finalement été peu invoqués : « Ce qui a été exceptionnel dans cette crise, ce n'est pas la pandémie, mais la réponse à cette pandémie, qui a été une réponse entièrement sanitaire, axée globalement sur les services de réanimation hospitaliers. »
Aller d'un système de soins à un système de santé
Les deux spécialistes attendent du Ségur de la santé publique une évolution de l'organisation de notre système de soins. « Pour aller d'un système de soins à un système de santé », précise le président du HCSP. « En France, on a un mode de fonctionnement en silo, il faut que l'on puisse abattre un certain nombre de cloisons », poursuit le Pr Rusch, pour qui le système doit par ailleurs davantage prendre en compte les inégalités sociales.
Pour penser cette réorganisation, le Ségur de la santé publique ne partira pas de rien, rappelle le Pr Chauvin : des réflexions ont déjà été engagées, notamment dans le cadre de la stratégie nationale de santé - qui a défini la prévention pour la première fois comme un axe prioritaire - et du plan national de santé publique (plan Priorité prévention). « Nous avons un cadre et des éléments qu'il faut maintenant mettre en œuvre », indique-t-il.
Ne pas réduire la santé publique aux médecins
Au-delà de cet aspect organisationnel, la question des métiers de la santé publique a été discutée. « Il est dangereux de réduire la santé publique aux médecins, alerte le Pr Chauvin. La France est le seul pays où les médecins sont aussi présents dans la santé publique. Il faut sortir d'une réponse toute médicale. »
La promotion de la santé doit aussi passer par les collectivités. « Les élus locaux doivent être convaincus qu'ils ont une responsabilité dans la santé de leur population, estime le Pr Chauvin, persuadé de l'intérêt de s'appuyer sur les forces présentes dans les territoires. C'est à nous de faire passer cette culture de la santé publique auprès d'eux pour qu'une vraie santé publique de territoire se mette en place. C'est pour moi l'enjeu de ce Ségur. »
Le président de la SFSP abonde en ce sens : « La question de la territorialisation de notre système de santé est un enjeu majeur pour repositionner ce système au service des besoins de santé de la population, et ces besoins s'inscrivent dans un territoire particulier. »
Améliorer la culture de la santé publique en France
Autre point essentiel évoqué lors de cet échange : la perception de la santé publique par la population. « Il y a une culture de la santé publique qui est globalement pauvre dans notre pays », déplore le Pr Rusch. Or, une meilleure connaissance de la santé publique va de pair avec une meilleure adhésion aux mesures qui s'y rapportent.
« Il faut travailler avec l'Éducation nationale et des acteurs en éducation à la santé, car cela ne sert à rien de changer le système si on ne change pas la culture de santé dans notre pays », souligne le Pr Chauvin.
Le Pr Rusch plaide pour impliquer davantage la société civile et renforcer le rôle des instances de démocratie en santé. « Utilisons les outils dont on dispose ! », s'exclame-t-il, évoquant les conseils territoriaux de santé, les conférences régionales de santé et de l'autonomie et la conférence nationale de santé, qui sont autant de « petits parlements réunissant tous les acteurs du système de santé, des usagers aux professionnels de santé en passant par les élus ».
Faire adhérer la population aux messages de santé publique, c'est aussi tout l'enjeu de la campagne vaccinale contre le Covid, annoncée par Emmanuel Macron pour la fin de l'année ou au plus tard début 2021. Le président de la SFSP invite à « une véritable stratégie de communication autour du vaccin, qui soit claire et honnête sur ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas ». Il rappelle l'importance de faire passer l'information auprès des différentes catégories de notre population : « Tout le monde n'a pas les mêmes capacités de compréhension ni la même façon d'appréhender l'information. »
* Les Contrepoints de la santé sont des petits déjeuners-débats mensuels co-organisés par les journalistes Pascal Maurel (Ortus), Philippe Leduc (LDC Santé) et Renaud Degas (La Veille Acteurs de Santé, Presse Infos +).
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