L'Androcur (acétate de cyprotérone) n'est désormais utilisé que dans un faible nombre de cas où il est particulièrement efficace et les mesures prises depuis 2018 ont permis une nette réduction du risque de méningiome. Il n'y a pas eu de report des patients vers d'autres produits à risque, s'est félicité l'Agence nationale des produits de santé (ANSM) ce 1er décembre, à la lumière de nouveaux résultats de l'étude EPI-Phare.
Les premiers signaux perçus en 2009 ont conduit les autorités françaises à surveiller ce dérivé antiandrogénique de la progestérone (et ses génériques), utilisé (depuis les années 1980) dans l'hirsutisme chez la femme, et dans certaines formes de cancer de la prostate chez l'homme. Moins de 10 ans plus tard en 2018 (le temps de monter une étude épidémiologique avec du recul), l'Assurance-maladie quantifie le risque de méningiome : il est multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses (≥ 5 mg/jour) sur une longue période (plus de 6 mois), et par 20 après 5 années de traitement.
Deux séries de mesures, en 2018 et 2019
Dès les premiers résultats à l'été 2018, l'ANSM met en place toute une batterie de mesures pour réduire le risque de méningiome associé à l'acétate de cyprotérone : rappel des indications autorisées (traiter le moins longtemps possible à la dose la plus faible, pas de hors AMM, ni chez les femmes ménopausées), surveillance par imagerie cérébrale avant et tout au long du traitement et mise en place d’une « attestation annuelle d’information », à cosigner chaque année par le médecin prescripteur et la personne traitée, indispensable pour la délivrance en pharmacie. Ces deux dernières mesures sont propres à la France, tandis que l'Europe (via l'Agence européenne des médicaments) restreint l'indication de l'Androcur à l'hirsutisme sévère.
En juin et juillet 2019, la Caisse nationale d'Assurance-maladie (CNAM) envoie des courriers ciblés et nominatifs (pour la troisième fois de son histoire, les précédents concernant le Médiator et la Dépakine), aux 39 000 médecins libéraux qui ont prescrit au moins une fois de l'Androcur, aux directeurs d'établissements, et aux 72 000 patients majeurs et 2 500 mineurs concernés.
Baisse globale de 85 % du nombre de personnes sous Androcur
« Nos actions ont eu un impact considérable avec une baisse globale de l'utilisation de l'acétate de cyprotérone de 85 % en moyenne entre 2018 et 2021 », se félicite le Dr Alain Weill, au regard de l'étude du GIS EPI-Phare (dont il est directeur adjoint) rendue publique ce 1er décembre, conduite à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) sur la période 2010-2021.
Fin 2021, le nombre de personnes traitées par acétate de cyprotérone à forte dose a considérablement diminué par rapport à août 2018, avec une baisse plus marquée pour les femmes (-88 %, de 47 000 à 5 500) que pour les hommes (-69 %, de 33 000 à 2 500) et que pour les femmes transgenres (-50 %, de 2 600 à 1 300). Au total, en décembre 2021, 7 900 personnes utilisaient l’acétate de cyprotérone à forte dose contre 85 000 en janvier 2010 et 55 000 en août 2018.
Cette baisse est liée aux arrêts de traitement (92 % des personnes traitées en juin 2018 avaient arrêté leur traitement en 2021) et à la diminution des initiations de traitement (- 94 %).
« La médiatisation du risque de méningiome à l'été 2018 a surtout touché les femmes jeunes et favorisées, tandis que les femmes habitants dans les DOM ou sous CMU-C se sont montrées plus sensibles aux courriers », souligne le Dr Alain Weill.
Moins de méningiomes opérés liés à l'Androcur
L'étude met aussi en lumière la nette diminution (-93 %) des méningiomes liés à l'acétate de cyprotérone. En 2011, 4 à 5 % des femmes opérées étaient sous Androcur ; cette proportion tombe à 0,3 % en 2021. Soit 7 femmes opérées en 2021 contre 95 en 2017 et 1 homme.
Pour rappel, l'ablation systématique par intervention chirurgicale (avec risque de séquelles comme l'épilepsie) n'est pas privilégiée, d'autant que la taille des méningiomes associés à l’acétate de cyprotérone diminue ou se stabilise à l’arrêt du traitement.
Ces baisses restent très significatives, d'autant que le dépistage par IRM cérébrale, recommandé par l'ANSM, a significativement progressé, avec plus de la moitié des personnes traitées qui ont réalisé cet examen en 2021 (70 % des femmes, 50 % des hommes), contre à peine 10 % en 2018. En revanche, le taux de réalisation d’IRM à l’initiation du traitement reste inférieur à 50 % en décembre 2021, alors que depuis juillet 2019 cet examen doit être réalisé avant toute initiation de traitement.
Enfin, 35 % des personnes se sont tournées vers des œstrogènes et progestatifs classiques, et seulement 5 % vers l'acétate de nomégestrol (Lutényl, pour 3,9 %) et l'acétate de chlormadinone (Lutéran, 2,1 %), et 5,3 % des femmes et transgenres vers la spironolactone. Des études sont en cours pour surveiller le risque de méningiome lié au Lutényl (multiplié par 3 au-delà de 6 mois, et par 12,5 pour 5 ans) et au Lutéran (multiplié par 3,4 au-delà de 6 mois et par 7 pour 3,5 ans), qui concerne 450 000 femmes.
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