Un manifeste lancé par France Prévention Suicide

À quand une médecine du chômage ?

Publié le 02/02/2011
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QUEL EST LE TAUX suicide chez les chômeurs et sans emplois en France ? Aucun épidémiologiste n’est en mesure de fournir des données sur le sujet, aucune étude n’a été lancée sur cette question, aucun politique ne s’est emparé de ce problème de santé publique, en dépit de la crise économique qui touche le pays depuis 2008. C’est pourquoi la toute nouvelle association France Prévention Suicide, créée à l’automne 2010 par Michel Debout, professeur de médecine légale au CHU de Saint-Étienne, ancien président et fondateur de l’Union nationale de prévention du suicide (UNPS), a décidé de jeter un gros pavé dans l’océan d’indifférence qui semblerait entourer les chômeurs. Ce 2 février, ils lancent publiquement, en partenariat avec le journal « l’Express », un « Manifeste pour la santé et le bien-être des chômeurs et sans emploi ». Le lien entre perte d’emploi et suicide « n’est pas à démontrer, nous avons presque tous les jours la confirmation que des gens en situation difficile vont jusqu’au suicide », affirme Michel Debout.

Un observatoire qui se fait attendre.

La vague de suicides qui a ébranlé France Télécom en 2009 a provoqué une onde de choc salvatrice, suscitant des mesures de prévention du stress et des risques psychosociaux en entreprise. Mais « combien faudra-t-il de suicide chez les chômeurs pour qu’une telle prise de conscience se fasse », interroge le psychiatre, qui espère attirer l’attention du public et des politiques afin qu’une prévention, à la hauteur de celle déployée pour les salariés, soit engagée.

Le manifeste formule 5 propositions, à commencer par l’instauration d’un suivi médical, une sorte de médecine du chômage. « Face au stress que génère la perte d’emploi, l’entreprise a une responsabilité à assumer », argumente Michel Debout. Pour aider les chômeurs à sortir de l’isolement, le texte invite aussi à lancer des campagnes de solidarité. Enfin, il relance une ancienne proposition, qui avait failli aboutir en 2006 alors que Xavier Bertrand était pour la première fois ministre de la Santé, et demeure plus que jamais d’actualité : la création d’un observatoire du suicide.

Dans l’ouvrage qu’il rédige actuellement avec le journaliste Gérard Clavairoly, Michel Debout tente d’identifier les freins à la création de cet observatoire et suggère que « le suicide pourrait, parfois, être encore considéré comme un fait individuel ». Ce qui impliquerait donc que la réflexion a régressé de plus d’un siècle, avant que Durkheim n’évoque le suicide comme un fait social à part entière…

C’est sur cette thématique et pour engager le débat sur ce que pourrait être la prévention du suicide chez les chômeurs, que France Prévention Suicide organise un colloque au Sénat, le 5 février, avec une quinzaine de personnalités faisant autorité sur le sujet, comme la psychiatre Marie-France Hirigoyen et le philosophe Denis Cettour, pour ne citer qu’eux.

* Renseignements : franceprevention.suicide@sfr.fr, tél. 01.46.24.32.98.

CAROLINE FAESCH

Source : Le Quotidien du Médecin: 8898