C’EST UN PARADOXE : si la santé a marqué des points dans cette campagne 2012 par rapport aux précédentes (le sujet est cité par les Français comme un enjeu crucial et un critère de choix, les colloques thématiques se multiplient, des polémiques sur les déserts médicaux ou les dépassements d’honoraires ont conduit les candidats à se positionner...), on est encore loin du compte aux yeux de la profession qui juge sévèrement les discours des prétendants à l’Élysée.
« Vous avez relevé quelque chose d’intéressant, vous ? ». Le Dr Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), s’interroge, avec d’autres, sur le contenu précis et la crédibilité des projets de santé dans la campagne, désormais bien entamée. Pour nombre de leaders syndicaux en effet, le sort de l’hôpital public et de la médecine libérale, au cœur des enjeux du prochain quinquennat, n’est abordé qu’en surface, même s’il semble préoccuper davantage les candidats de 2012 que ceux de 2007. Des discours « bien trop flous » renchérit le Dr Claude Leicher, président de MG France, « encore loin de faire de la santé la priorité numéro un » relève le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Quant au Pr Roland Rymer, président du Syndicat national des médecins des hôpitaux publics (SNAM-HP), il se veut ironique : « Pas difficile de dire qu’on parle plus du médical dans cette campagne que dans la précédente, vu que nos préoccupations étaient complètement absentes des débats en 2007 ! ».
Éléments de réponse.
Pour l’instant déçus de la campagne, les hospitaliers restent attentifs aux propositions. « Nous avons quelques éléments de réponse du côté du Parti socialiste, notamment sur la défense du service public », concède Pierre Faraggi. Le Dr Norbert Skurnik, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), n’est « pasinsensible aux propositions de François Hollande sur la remise en cause de la détestable gouvernance des hôpitaux » instaurée par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST). « Même Philippe Juvin, représentant de Nicolas Sarkozy et hospitalier [tout nouveau chef des urgences à l’Hôpital européen Georges Pompidou, NDLR], se dit prêt à faire des ajustements », observe le Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Certains constatent que la campagne modifie la donne. « Je reconnais qu’ils sont en train de se réveiller, au ministère de la Santé », remarque le
Dr Nicole Smolski, présidente d’Avenir Hospitalier. L’intersyndicale, qui n’a pas signé fin janvier l’accord-cadre sur l’attractivité des carrières médicales à l’hôpital, a été appelée par Xavier Bertrand à participer aux discussions sur l’exercice médical.
Chez les libéraux, on ne s’extasie pas davantage devant les idées avancées par les candidats. Mais on suggère parfois une préférence. Le Dr Christian Jeambrun, président du SML, juge Xavier Bertrand « plus clair que Hollande » sur la médecine libérale.Faute de grand projet sur la santé, chacun pioche quelques pistes dans les discours.Le Dr Jeambrun consent à la proposition de François Bayrou d’augmenter et de revoir les modalités du numerus clausus... Et le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), trouve que Jean-Luc Mélenchon a une « idée intéressante lorsqu’il propose de supprimer les sociétés cotées en bourse des complémentaires santé ».
Des griefs communs.
Les grands thèmes « oubliés » préoccupent la profession. Les hospitaliers sont quasi-unanimes à dénoncer la crise démographique mais aussi les dommages collatéraux de la loi Bachelot à l’origine de « la vente à la découpe de nos missions de service public », accuse le Dr Bocher. « Le prochain Président devra mettre en valeur la place de l’hôpital dans la société et la place du médecin dans l’hôpital », insiste le Dr Skurnik (CMH). La « souffrance à l’hôpital » et le « recul de la solidarité » sont aussi des thématiques sur lesquelles le SNAM-HP et Avenir Hospitalier appellent les candidats à se positionner.
« Syndicaliste agacé », le Dr Leicher (MG France) déplore qu’« on ne parle toujours pas dans cette campagne de la rémunération des médecins généralistes, qui ne dépasse pas le tiers de celle des radiologues ». Un sentiment partagé par la CSMF qui rêverait d’attirer les candidats sur les problématiques du secteur optionnel, de la délégation de taches, de la coordination hôpital-ville, de l’avenir des spécialistes de proximité... Il reste moins de huit semaines pour bien faire.
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