Traitement de la lithiase

Prendre en compte les aspects économiques

Publié le 31/05/2012
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Crédit photo : PHANIE

AVEC, CHAQUE ANNÉE, en France, une prévalence de 10-12 %, une incidence de 30/100 000 et 125 000 coliques néphrétiques, les lithiases urinaires sont fréquentes et entraînent le recours à environ 50 000 lithotripsies, 40 000 urétéroscopies (rigides ou souples), près de 2 000 néphrotomies percutanées et moins de 200 chirurgies ouvertes.

Lithotripsie extracorporelle.

Une question est souvent posée : qui doit s’équiper d’appareils de lithotripsie extracorporelle et comment ? « Lorsque les machines étaient soumises à autorisation, jusqu’en 2006, il y en avait alors 47 en France. Or la dérégulation des lithotripteurs a permis de doubler, puis de quasiment tripler le nombre d’appareils en France… et d’augmenter de 30 % le nombre de lithotripsies extracorporelles réalisées dans le même temps » souligne le Dr Jean-Romain Gautier. Cette augmentation peut correspondre à une meilleure prise en charge de proximité des coliques néphrétiques, mais doit faire en parallèle l’objet d’une analyse plus fine des indications…

Autre problème : en 2006, le GHS (groupe homogène de séjours) de la lithotripsie, c’est-à-dire le montant qui est payé à l’établissement pour la lithotripsie, était de 648 €. Or, après une chute progressive, il est, en 2012, passé à 434 € en traitement ambulatoire (à noter à cet égard qu’une lithotripsie extracorporelle faite en hospitalisation une nuit n’est plus tarifée qu’à 306 € !). Le fait que le GHS soit flottant et réévalué chaque année peut donc mettre à mal les comptes d’exploitation prévisionnels pour un achat de machine. En dix ans, seuls les honoraires sont restés à peu près stables, autour de 250 € pour l’urologue et de 125 € pour l’anesthésiste, si une analgésie est réalisée dans le même temps.

Lors de l’achat d’un appareil, ne sont souvent pris en compte que le nombre de traitements prévisionnels et les remboursements du crédit-bail. Les charges d’exploitation - loyer de la salle, lingerie, petites fournitures, assurances, honoraires juridiques, charges salariales du personnel soignant, impôts et taxes de formation, amortissements du matériel comme le mobilier d’anesthésie ou un respirateur – sont trop souvent oubliées, alors qu’elles représentent un surcoût non négligeable pour l’établissement acquéreur …

« Face à un GHS flottant qui peut être diminué chaque année, il devient donc très difficile de faire un prévisionnel sur un nombre de lithotripsies annuelles permettant l’équilibre. Le premier risque est un surendettement des petits centres qui voudraient s’équiper sans tenir compte, d’une part, des charges d’exploitation et, d’autre part, de la labilité du GHS. Le second risque est un suréquipement au niveau national. Enfin, la multiplication des centres aboutit malheureusement, et de façon indirecte, à une diminution de la qualité des appareils. En effet, les industriels ont davantage intérêt à équiper beaucoup de centres de petites machines peu onéreuses, plutôt que de poursuivre un programme de recherche et de développement avec des appareils plus performants (notamment dotés de meilleurs systèmes de repérage), mais de ce fait plus coûteux et qu’ils ne pourront donc vendre qu’à quelques centres spécialisés », insiste le Dr Gautier. Or si les machines sont moins performantes, cela augmente le risque de retraitement. Ainsi, dans le domaine de la lithotripsie, cette dérégulation aboutit aussi à quelques " dommages collatéraux " inattendus. Dans l’avenir, un meilleur contrôle de la performance des machines et de la pertinence des traitements sera probablement opportun ».

Urétéroscopie et chirurgie percutanée.

D’une manière générale, la T2A a pour objectif de dissocier le coût de l’acte médical ou chirurgical (code CCAM) et celui de la pratique - matériel, personnel, salle – (code GHS). Actuellement, public et privé ne sont pas soumis au même régime de GHS puisque le GHS privé ne tient compte que du coût de la pratique et de l’hospitalisation, alors que le GHS hospitalier (qui est en moyenne supérieur de 30 %), comprend tout : le coût de la pratique, de l’hospitalisation, plus celui des honoraires médicaux, des examens biologiques et radiologiques. Le GHS permet de régler l’établissement pour une hospitalisation complète et une pathologie donnée, dans une durée de temps définie. Il est réajusté en fonction d’éventuelles comorbidités qui vont d’un niveau 1 à 4. La T2A en urétéroscopie rémunère le chirurgien entre 267 et 369 € en fonction de la localisation du calcul le long de la voie excrétrice. Depuis mai 2011, sont apparus deux nouveaux actes tarifés en T2A : JANE 002 (pour une fragmentation intrarénale de calculs caliciels inférieurs, après échec ou contre-indication de lithotripsie extracorporelle, avec ondes de choc ou laser par urétéroscopie) et JANE 005 (pour une fragmentation intrarénale de calculs avec ondes de choc ou laser).

« Ces deux actes comblent ainsi la lacune du traitement des calculs rénaux par urétéroscopie rigide ou souple en ce qui concerne l’acte rémunéré au chirurgien. En revanche, il n’y a eu aucune réévaluation du GHS pour l’établissement : le GHS 11C05 en tarification mars 2012 est à 804 € en ambulatoire et à 1 072 € en hospitalisation de deux nuits (seulement à 938 € en hospitalisation d’une nuit, la borne basse étant à deux nuits). Ce GHS peut être rehaussé, en fonction des comorbidités, en niveau 2 (1 912 €), niveau 3 (2 911 €) ou niveau 4 (3 985 €) ce qui reste néanmoins rare pour cette pathologie. Or le coût de l’acte d’une urétéroscopie rigide, pour un établissement, est situé entre 600 et 800 € (estimation faite du coût de l’acte par plusieurs équipes, sans compter l’hôtellerie). Autrement dit, le coût d’une urétéroscopie en ambulatoire, à laquelle nous sommes progressivement incités, ne peut amortir celui de la technique ! » souligne le Dr Gautier.

En outre, le GHS 11C05 est le même pour une urétéroscopie, qu’elle soit souple ou rigide, alors que le coût d’une urétéroscopie souple pour l’établissement est environ le double de celui d’une urétéroscopie rigide (matériel et ancillaire plus coûteux, durée de l’intervention plus longue). L’urétéroscopie souple ne permet donc pratiquement pas à l’établissement de rentrer dans ses frais et l’acquisition de ce matériel se fait souvent pour optimiser un plateau technique. Les établissements privés dynamiques se trouvent en effet souvent obligés de s’équiper, parfois à perte, pour offrir au patient les meilleures techniques.

Quant à, « la chirurgie percutanée, réalisée dans très peu de centres, elle est indiquée dans les calculs coralliformes ou de plus de 2 cm. Or si l’acte du chirurgien est normalement rémunéré (477 €), le GHS (11C031) est à 2 489 € pour trois nuits d’hospitalisation (4 € de plus qu’en 2011), ce qui couvre à peine les frais de matériel et de personnel pour une chirurgie complexe, longue, aujourd’hui réservée aux calculs gros et difficiles », précise encore le Dr Gautier.

Quid de la qualité de soins ?

Pour finir, « Un établissement ne peut coter qu’un seul GHS par hospitalisation. Si plusieurs actes ont été réalisés sur un patient au cours d’une même hospitalisation, un seul est donc facturable… Ainsi, le cumul de plusieurs traitements dans la même hospitalisation, pour éviter les déplacements itératifs du patient, n’est pas valorisé ! Il y aurait donc quelques aspects à optimiser en matière de cotation des actes », souligne le Dr  Gautier.

Ces problèmes, posés par le coût de la lithiase, soulignent les lenteurs et les retards pris dans l’évaluation, la cotation et la tarification des nouvelles technologies en général (lasers, robotique, etc.) qui pénalisent bien sûr les praticiens et les établissements, mais surtout, à terme, les patients eux-mêmes. L’urologue libéral principalement, mais aussi hospitalier, doit aujourd’hui participer à cette réflexion médico-économique afin d’améliorer ses relations avec sa direction d’établissement, de façon à être impliqué dans l’économie de santé tout en évitant une dégradation de la qualité des soins délivrés aux patients.

D’après un entretien avec le Dr Jean-Romain Gautier, clinique Saint-Jean Languedoc, Toulouse.

 Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes