« La dégradation de l'environnement, la pollution et le réchauffement climatique ont un impact sur les données épidémiologiques des maladies respiratoires, en constante augmentation ces dernières années, constate la Pr Chantal Raherison-Semjen, la présidente de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). Cependant, ce n’est pas franchement une surprise puisque ces dernières sont, par définition, des maladies environnementales. » Autrement dit, les conséquences des changements climatiques sur la santé respiratoire de la population sont d’ores et déjà palpables. Il est urgent de se saisir du sujet, d’autant plus que la tendance s’accélère.
« On le sait, la hausse des températures, comme on l’observe lors des canicules, impacte la santé des plus fragiles, détaille la Pr Raherison-Semjen. Mais ce n’est pas tout : quand il fait chaud, on observe une nette augmentation des crises d’asthme chez les enfants. » Les changements climatiques sont également synonymes de périodes de pluies très abondantes et d’inondations, elles aussi désastreuses pour la santé respiratoire des citoyens. « Durant ces épisodes, on observe une augmentation de l’exposition aux moisissures, en particulier dans les logements inondés. Ces moisissures secrètent des mycotoxines et des composés organiques volatils qui vont avoir un effet irritant sur la muqueuse bronchique, entraînant allergies respiratoires et crises d’asthme. » En Nouvelle-Zélande, en Australie ou en Grande-Bretagne, les hospitalisations pour crises d’asthme sont en hausse quand il y a des orages et on parle désormais d’« asthme lié aux orages ». Outre les épisodes de canicule et de pluies intenses, l’exposition aux pollens pose également problème. « Des simulations montrent que la période des pollens est de plus en plus longue, et que les pollens (notamment ceux d’ambroisie) sont de plus en plus allergisants, ajoute-t-elle. Par conséquent, les personnes allergiques font des manifestations de plus en plus graves. »
Mettre l’accent sur la prévention
Du côté des activités humaines, la mauvaise qualité de l’air est responsable de nombreux maux. « Il n’y a pas que les pics de pollution : la pollution de fond (ozone, particules fines) est également problématique. Il faudrait vraiment baisser les seuils d’alerte. En effet, même quand c’est vert, on observe les effets néfastes de la pollution atmosphérique sur la santé. Les enfants qui vivent à proximité d’une autoroute ou dans une ville polluée sont d’ailleurs beaucoup plus affectés par les maladies respiratoires », rappelle la Pr Raherison-Semjen. Autre cause de problèmes respiratoires : la combustion de la biomasse, qui est notamment à l’origine de pneumonies chez les tout-petits. Enfin, les ravages des pesticides sont de plus en plus documentés. « Un rapport de l’Inserm pointe l’impact des pesticides sur les maladies respiratoires, avec un risque accru de BPCO et d’asthme chez les agriculteurs… Et on sait désormais que cela touche aussi la santé des riverains, des écoliers dont la cour de récréation jouxte les champs concernés. Pourtant, alors qu’on est techniquement capable de mesurer les taux de pesticides dans l’air, cet élément demeure non réglementé », déplore la Pr Raherison-Semjen, avant d’évoquer la déforestation et toutes les activités qui impactent la biodiversité, ayant pour conséquence directe la circulation chez l’homme de virus qui étaient jusqu’alors cantonnés aux animaux.
Dans ce contexte, alors que les effets du réchauffement climatique s’intensifient, il est urgent de mettre l’accent sur la prévention. « L’une des difficultés avec les maladies respiratoires est leur diagnostic trop tardif, rappelle la présidente de la SPLF. Les poumons de l’enfant se développent pendant la grossesse et durant ses premières années de vie. S’ils sont endommagés et qu’on le repère trop tard, notre marge de manœuvre en tant que médecins est particulièrement réduite. »
Sensibiliser les pouvoirs publics
Une prise de conscience, citoyenne et politique, est donc aujourd’hui nécessaire. « Sans cette prise de conscience, nous ne serons que dans le curatif et pas dans la prévention », souligne la présidente de la SPLF. Face à ces constats, la SPLF et un collectif de 24 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé, ont organisé les premiers États généraux de la santé respiratoire le 8 décembre dernier. Dans le sillage d’une consultation citoyenne en ligne (masanterespiratoire2022.fr), cet événement avait pour objectif d’interpeller les pouvoirs publics et de présenter des propositions en faveur d’une stratégie ambitieuse pour les cinq prochaines années. « La santé respiratoire est un sujet essentiel de santé publique, qui retient rarement l’attention des candidats à l’élection présidentielle et des acteurs politiques, précise-t-elle. Pourtant, notre plateforme a recueilli 460 propositions et plus de 5 000 visites, ce qui montre que la santé respiratoire est porteuse d’attentes très fortes, de la part des professionnels comme du grand public. » Les propositions formulées lors de ces État généraux seront par conséquent transmises aux candidats à l’élection présidentielle.
« Alors que près de 10 millions de Français sont touchés par une maladie chronique des voies respiratoires, dans un contexte de réchauffement climatique, combiné aux enjeux liés aux pesticides et à l’émergence de maladies infectieuses respiratoires, il y a urgence à se mobiliser collectivement », conclut la Pr Raherison-Semjen.
Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue (CHU Pointe-à-Pitre) et présidente de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF)
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