L’OUVRAGE est né d’une rencontre, celle de Claude Dreux et de Jean-François Mattei à l’occasion de la publication de « Humaniser la vie » dans lequel le président de la Croix Rouge dénonçant le délitement du lien social affirmait « la souffrance des hommes relève plus du champ social que du champ sanitaire même si les deux peuvent se mêler étroitement ». Pour le Pr Dreux, ce plaidoyer vaut aussi pour la médecine. Son constat est sévère : « Les professionnels de santé suivent actuellement une pente dangereuse. Les progrès scientifiques et technologiques souvent mal maîtrisés deviennent pour beaucoup une fin en soi, faisant oublier le sens de l’humain qui doit commander toutes nos actions », explique-t-il. Selon lui, l’un des principaux obstacles à l’humanisation en matière sanitaire est liés aux coûts économiques. « Certains de nos dirigeants font de l’économie de la santé la pièce maîtresse de leurs actions », écrit-il. La judiciarisation de la médecine qui conduit à considérer chaque patient comme un plaignant en puissance en est un autre. Pas question cependant de sombrer dans ce que le Pr Dreux appelle « la voie des bons sentiments » ou encore celle de « l’humanisme bien pensant ». Pas question non plus d’un retour au vieil adage rétrograde : « la médecine n’est pas une science mais un art » qui cachait souvent l’ignorance des praticiens. Elle est devenue une science et « doit demeurer un art fait d’intuition, de subjectivité, voire d’imagination », assure le Pr Mattei. Son collègue de l’Académie précise : « Il faut arrêter le mouvement rétrograde et dangereux qui dresse certains aujourd’hui contre la science, la technologie, le progrès, qui ont fait avancer la santé de manière spéctaculaire pendant ces cinquante dernières années ».
Philosophie et réflexion éthique.
Pour aider les professionnels de santé à prendre le tournant de cet « humanisme actif », les deux hommes ont fait appel à plusieurs personnalités, spécialistes dans leur domaine pour un ouvrage collectif qui n’entend pas seulement rester dans le domaine de la réflexion mais formule des recommandations - une dizaine par chapitre. Celles-ci sont aussi destinées « à faire réfléchir les décideurs de notre pays sur les réformes à entreprendre », souligne le Pr Dreux.
« Retour aux humanités », l’intitulé du premier chapitre sonne comme une injonction. Dans « Enseigner l’humanisme aux futurs médecins et aux autres professionnels de santé », les Prs François-Bernard Michel et Bernard Charpentier déclarent : « Nos futurs médecins ont souvent moins de finesse psychologique que les diplômés des écoles de commerce ! Les sections scientifiques, dont proviennent la quasit-totalité des étudiants ne leur permettent pas d’acquérir les outils philosophiques basiques nécessaires à la réflexion éthique ». Tous les deux regrettent le primat du savoir et de la technicité au cours de la formation où la clinique fait figure de grande oubliée. L’erreur, disent-ils, est de confondre signes cliniques (référence à une certaine sémiologie du passé devenue obsolète) et pratique clinique (relation soigné-soignant qui se noue au lit du malade). Les médecins hospitalo-universitaires, particulièrement les chefs de clinique, ont la responsabilité de cet enseignement « au lit du malade » qu’ils négligent souvent au profit de leurs activités de soins de recherche clinique. Parmi leurs recommandations, ils proposent de modifier les modalités de sélection des futurs médecins, de revoir le contenu des enseignements de première année ou encore de développer l’apprentissage de la médecine et des autres professions de santé par le compagnonnage senior-junior. Le Pr Maurice Tubiana milite, lui, pour l’éducation pour la santé à l’école dès le plus jeune âge. La santé « n’est pas un don de la nature mais le fruit d’un combat quotidien ». Là aussi, l’éducation doit apporter les bases scientifiqtees nécessaires mais aussi développer chez les jeunes les compétences psycho-sociales leur permettant d’opérer des choix au-delà de l’aquisition des savoirs.
Pas de malades dangereux.
Parmi les douze autres contributions de l’ouvrage, pour la plupart sur des sujets faisant débat dans la société, on notera celle du Pr Pierre Bégué sur la vaccination, de Pierre Le coz sur la fin de vie ou du Pr Jean-Pierre Olié et des Drs Alain Dervaux et Xavier Laqueille sur les maladies mentales et les addictions pour en finir avec les clichés. Il convient, recommandent-ils, de « reconnaître qu’il n’existe pas de malades dangereux mais des états mentaux pathologiques dangereux : trouble schizophrénique non traité associé une consommation de toxiques, une désocialisation et un état de manque » chez un sujet en situation de dépendance à l’égard d’une substance. Citons enfin le chapitre proposé par le Dr Antoine Flahault et le sociologue Michel Setbon sur les inégalités sociales de santé qui constitue le thème du colloque organisé demain à l’Académie de medecine. Depuis la loi de santé publique de 2004, les inégalités se sont accrues. Plutôt que d’opposer les deux apporoches (agir sur les comportements de santé ou gommer les inégalités sociales dans la population), « les professionnels en charge de la santé gagneraient à priviégier une approche pragmatique », indiquent-ils, qui vise à repérer les populations à risque pour ensuite proposer des programmes visant à la modification des comportements.
*Édition Springer-Verlag France, 35 euros, 325 pages.
*Éditeur Florent Massot, 2009, 206 pages.
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