FAUT-IL Y VOIR une étape vers la refonte des ALD, régime qui mobilise aujourd’hui 60 % des dépenses maladie et sans doute 70 % à l’horizon 2015 ? Le gouvernement s’en défend et Roselyne Bachelot, ces dernières semaines, a expliqué à plusieurs reprises, comme pour déminer le terrain, qu’elle privilégiait sur le dossier explosif des ALD une approche « exclusivement médicale ». Pour la première fois pourtant (1), le gouvernement a franchi le Rubicon en amorçant dans la loi (article 29) le « toilettage » du dispositif des ALD, par le bout jugé le moins polémique : les règles de sortie du dispositif pour les malades guéris (en l’occurrence du cancer pour l’instant).
Un article du PLFSS 2010, en lien direct avec le nouveau plan Cancer, prévoit ainsi de créer une nouvelle exonération « post-ALD », aux garanties moins étendues que le régime initial : les malades guéris du cancer perdraient leur « statut » d’ALD tout en bénéficiant toujours d’une prise en charge à 100 % pour les examens de suivi et de surveillance de ces cancers en phase de rémission (actes médicaux et examens biologiques). Un décret précisera la durée et les situations cliniques de ce régime post-ALD, sur la base des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS). Les 25 cancers les plus fréquents sont en cours d’examen.
Le gouvernement met en avant une approche purement médicalisée. Dès lors que « 60 % des cancers sont curables », a expliqué Roselyne Bachelot aux députés, les perspectives de guérison impliquent d’accompagner l’après-cancer. Et d’en tirer les conséquences (accès facilité au crédit ou à l’emploi par exemple). Une des mesures du plan cancer est justement de se doter des critères médicaux relatifs à la sortie d’ALD. Sur ce point, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu en juin dernier un avis où figure la proposition (que compte reprendre le gouvernement) de ne pas renouveler l’ALD Cancer, au-delà de la durée initiale de cinq ans, lorsqu’il n’est pas nécessaire de poursuivre une thérapeutique lourde ou de prendre en charge des séquelles liées à la maladie ou au traitement. Si ces conditions ne sont pas remplies, le patient en rémission sort du régime des ALD et ne bénéficie plus de l’exonération du ticket modérateur. Mais il n’en sort pas totalement puisque le suivi médical post-ALD reste assuré à 100 %.
Plan cancer, PLFSS : la boucle est bouclée. Au passage des économies difficilement chiffrables pour l’assurance-maladie : moins d’actes et consultations totalement exonérés… et moins de forfaits ALD à verser aux médecins traitants. Une façon surtout d’amorcer la révision de ce régime qualifié d’ « extrêmement généreux » par le député UMP Jean-Pierre Door, rapporteur du PLFSS dans son volet « maladie ». Pour Roselyne Bachelot, « il ne faut pas rester sur l’idée selon laquelle la qualité de la prise ne charge passe obligatoirement par le dispositif ALD, dans lequel on aurait vocation à rester pour la vie ».
Et le bizone ?
Lors du débat parlementaire, nombre de députés médecins ont mis en cause la cohérence d’un article qui se traduit par une sortie accélérée du régime des ALD tout en maintenant le 100 % pour les examens de suivi. « Peut-on dire à un malade cancéreux qu’il est guéri ? interroge Jean-Luc Préel (Nouveau Centre, Vendée). Nous connaissons tous des cas de récidives tardives. D’ailleurs le texte prévoit de prendre en charge à 100 % l’examen de suivi ; autrement dit, le médecin pense qu’il convient de suivre ce patient de manière particulière, et donc ne le considère pas comme définitivement guéri ! ». Pour cet élu, il suffirait de mieux contrôler le respect de l’ordonnancier bizone, gare de « triage » entre ce qui relève de l’ALD et du remboursement de droit commun (une procédure déjà source de nombreux litiges médecins/caisses…). Certains vont plus loin : l’article voté serait une réponse à l’utilisation erronée ou abusive du bizone puisque, désormais, l’exonération définie dans la loi s’appuiera sur les référentiels et protocoles HAS.
Cardiologue, le député Jacqueline Fraysse (Gauche démocrate et Républicaine, Hauts-de-Seine) se montre également critique. « On ne peut pas décider par décret que tel patient peut sortir du 100 % et que tel autre doit y rester. Cette disposition ouvre une brèche dans le dispositif ALD en vue de le remettre en cause ». Mais c’est Michèle Delaunay, député PS de la Gironde, et cancérologue, qui porte la charge la plus sévère. Elle juge l’article 29 « incohérent, dangereux et inutile ». Elle souligne que deux cancers « ne peuvent jamais être déclarés guéris, le risque de récidive ne s’annulant pas avec le temps. C’est le cas le plus fréquent des cancers, le cancer du sein, mais aussi du mélanome, 7ème cancer en fréquence ». Qui plus est, « un patient qui s’entend déclaré guéri est logiquement incité à cesser le suivi qui reste dans bien des cas nécessaires. On risque de dépister trop tard une éventuelle récidive ». Pour Michèle Delaunay, le processus de sortie d’ALD ne relève pas du domaine législatif mais « du type de cancer, et de cas particuliers ».
La discussion devrait rebondir au Sénat. Le Collectif interassociatif sur la santé (usagers) vient d’adresser une lettre ouverte aux sénateurs les exhortant à supprimer l’article 29, étape vers « la fin » des ALD. « Le risque est important que cette nouvelle disposition soit utilisée comme un moyen de faire sortir le plus grand nombre de malade du régime des ALD, accuse le CISS. Ainsi la moindre période de stabilisation ou de rémission de la maladie serait utilisée pour priver les malades du régime de l’ALD initial ».
(1) En juin 2008, la direction de la CNAM avait suggéré de ne plus rembourser à 100 % les médicaments à vignette bleue pour les patients en ALD (et de ne rembourser qu’au taux normal de 35 %). Tollé immédiat et proposition enterrée.
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