Alors que la crise liée au Covid a mis en évidence la vulnérabilité du pays à l'égard de l'approvisionnement en médicaments, France assos santé dénonce le retard des autorités dans la mise en œuvre des mesures destinées à lutter contre les pénuries.
Les représentants des patients s'étaient déjà émus, la semaine dernière, des délais pris dans la publication au « Journal Officiel », d'un décret censé prévenir les pénuries. Prévu dans la loi de financement de sécurité sociale votée en décembre 2019, il devait obliger les industriels à augmenter la durée des stocks de médicaments disponibles sur le territoire national. Jusqu'à « deux à quatre mois de stock de sécurité obligatoire » pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou sans alternative, s'était engagé l'ex-Premier ministre Édouard Philippe.
Le dispositif des stocks de sécurité « vidé de sa substance »
« Le dispositif a été vidé de sa substance », s'indignent ce 14 septembre les représentants des usagers. « Le décret actuellement proposé définit une mesure a minima répondant à la pression des industriels : deux mois de stocks » pour l'ensemble des médicaments, accusent-ils.
Certes, le texte prévoirait (toujours selon France assos santé) un régime d'exception pour certains produits, dont les stocks pourraient couvrir quatre mois de besoins. Mais ces exceptions seraient définies par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). « L'Agence serait donc investie de conduire un dispositif supplémentaire alors qu’elle peine déjà à assurer ses missions », commentent les associations. Elles s'interrogent : « Quels moyens pour conduire ce régime d’exception ? Quelle pertinence d’établir un nouveau dispositif alors que le code de la sécurité publique définit pourtant déjà une liste des classes thérapeutiques contenant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ? ». Et de demander une obligation, pour les industriels, de constituer des stocks de sécurité de 4 mois pour l'ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, et d'au moins 2 mois de couverture des besoins pour tous les autres.
Campagne grand public de La Ligue contre le Cancer
De son côté, la Ligue contre le Cancer (membre de France assos santé) lance une campagne autour du message : « Cher patient, pour votre médicament, merci de patienter ». L'objectif est de sensibiliser le grand public sur les conséquences des pénuries de médicaments pour les patients et de recueillir des témoignages sur un site internet.
Il est aussi de rappeler que si la crise du Covid-19 a mis en lumière les tensions sur les médicaments utilisés en réanimation, les anti-cancéreux sont depuis longtemps touchés par le phénomène. En 2017, 22 % des médicaments en tension ou en rupture signalés à l'ANSM concernaient la cancérologie.
« Il y a une quarantaine de médicaments d'importance majeure en oncologie qui ont fait l'objet de pénurie au fil des années », a rapporté à l'AFP le Pr Axel Kahn, président de la Ligue. C'est « un fléau silencieux qui s'aggrave d'année en année », qui a pu s'aggraver avec l'épidémie de Covid-19, mais « en aucun cas n'a été créé par la Covid », poursuit-il.
Il s'agit « vraiment (d') un problème qui est lié à la structure économique du marché et qui concerne des médicaments indispensables », essentiellement des génériques. Et de dénoncer, à son tour, le futur décret prévoyant pour la majorité des médicaments des stocks de sécurité de deux mois. Selon le Pr Jean-Paul Vernant, hématologue, « il faudrait au moins six mois de stock. Si on les avait eus, on n'aurait pas eu de problème pendant la crise du Covid-19 ».
Avec 1 499 médicaments signalés en difficulté ou en rupture d'approvisionnement auprès de l'ANSM, l'année 2019 atteint un record avec 34 fois plus de pénuries signalées qu'en 2008, note la Ligue. Selon un sondage Ipsos réalisé du 29 octobre au 4 décembre 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 500 professionnels de santé, 74 % d'entre eux déclarent avoir déjà été confrontés pendant leur carrière à des pénuries de médicaments contre le cancer, synonymes de perte de chance pour les malades.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation