Dr Artur Wechselberger, généraliste en Autriche
« J'ai ma liberté et mon indépendance, et j'adore le contact avec mes patients, même si cette liberté est de plus en plus encadrée par les caisses et l'État. Ce qui est le plus agaçant, c'est l'obligation de tout justifier et documenter, mais aussi de respecter des critères de prescriptions ou de traitements préétablis. Mais l'Autriche n'est pas l'Allemagne. Chez nous, il n'y a ni sanction ni reversement d'honoraire, tout au plus un entretien dit confraternel avec un médecin-conseil. Ceci étant, les choses peuvent se durcir rapidement car en Autriche, tout finit par arriver avec quelques années de retard sur les pays voisins. »
Dr Ludovit Lukac, gastro-entérologue en Slovaquie
« Je travaille à l’hôpital universitaire de Bratislava, un hôpital public. Je fais des journées de 8 heures 30 environ, durant lesquelles je vois en moyenne une vingtaine de patients. Beaucoup des soins que je dispense ne sont pas délivrés par le secteur privé. Mon salaire ne peut pas être comparé à ce qui se pratique en Europe de l’ouest mais… l’argent n’est pas tout ! En Slovaquie, notre principal problème est le manque de moyens. Nous manquons de matériel (nos instruments ont constamment besoin d’être réparés), nos locaux sont vétustes. Ce genre de choses – jamais des motifs strictement médicaux – peut parfois me faire regretter d’être devenu médecin. En termes de qualité des soins, nous donnons le maximum. Ici, il n’y a quasiment pas de listes d’attente, par exemple. »
Dr David Simon, généraliste en Belgique
« Personnellement, je dirais que je vis très bien mon métier de médecin. Je suis toujours un passionné mais je reconnais que l’exercice médical se complique considérablement depuis quelques années et que de nombreux médecins ne sont pas heureux et s’inquiètent. Les tracasseries administratives se multiplient ; nos prescriptions sont de plus en plus surveillées par l’assurance-maladie et certains n’hésitent pas à employer le terme de " flicage ". La volonté d’économies est très présente en Belgique et cela devient réellement préoccupant s’agissant de la santé de nos concitoyens. Concernant l’Europe, je souhaite une harmonisation des politiques de santé. C’est une urgence. »
Dr Laura Munoz, généraliste en Grande-Bretagne
« Je suis française, j’ai 35 ans, et je travaille en Grande-Bretagne depuis deux ans, dans le secteur privé. Ici, les horaires sont très très cool – au NHS [National Health Service, le secteur sanitaire public], c’est 9 heures-17 heures, du lundi au vendredi ; dans le privé, les médecins font plus s’ils veulent. Les honoraires d’un médecin généraliste à plein-temps au NHS [un GP] tournent autour de 5 000 livres [5 780 euros]. Dans le privé, les tarifs peuvent atteindre des niveaux incroyables - cela va de 50 à 150 livres [57 à 173 euros] la consultation de dix minutes, somme taxée à 50 %. Quant à la qualité des soins, franchement, je ne pense pas qu’elle soit moins bonne qu’en France mais c’est une autre philosophie de travail. Les patients français aiment être chouchoutés, qu’on écoute leurs petits bobos. Ici, ce n’est pas comme ça, les protocoles sont très stricts, et s’il est dit qu’on ne donne pas d’antibiotiques pour une bronchite, aucun médecin n’en donnera jamais ! Les médecins sont soumis à des quotas pour leurs prescriptions d’analyses sanguines, d’échographie… Je travaille avec des GP’s du quartier qui admettent que c’est parfois un peu délicat et qu’ils contournent le système en envoyant les patients qui ont besoin d’un examen qu’eux-mêmes ne peuvent plus prescrire chez un confrère qui n’a pas épuisé ses quotas. »
Dr Daniel Mart, généraliste au Luxembourg
« Au Luxemboug il n’existe que l’exercice libéral mais dans un cadre très règlementé avec un conventionnement obligatoire. Grâce à un développement économique stable et un bon taux de remboursement pour le patient, ce système tient encore la route pour l’instant. Dans ce climat nous avons réussi à monter une PME (notre cabinet de groupe) qui emploie 6 personnes, fait travailler 5 médecins et 2 médecins assistants. L’exercice de la médecine générale au Luxembourg est encore gratifiant de par l’absence de trop de contraintes. Pas de médecin référent, pas de passage obligé, mais pas de restrictions thérapeutiques ou de prescriptions d’un autre côté non plus. Le patient vient nous voir par son propre choix et pour la qualité des soins offerts. Ce qui est gratifiant. Reste que nous avons peu de temps pour nous consacrer à nottre famille. Nous travaillons beaucoup, 12 heures par jour, six jours sur sept. D’où le manque de motivation des jeunes diplômés qui hésitent de plus en plus à nous imiter. Enfin, nous craignons beaucoup l’arrivée de la bureaucratie. On se fait "bouffer" par les bureaucrates qui sous prétexte de vouloir améliorer les système ne font que diminuer le temps passé auprès du patient et qu’augmenter le temps passé sur des formulaires, des justificatifs et autres demandes inutiles. Cette sur-règlementation conduit à une médecine schématisée et nivelée sans réelle valeur ajoutée pour le patient ».
Dr Theofanis Angelopoulos, médecin biologiste en Grèce
« J’ai fait mon internat en France dans les années quatre-vingt-dix et je peux vous dire que le système de santé est différent en Grèce. Le secteur privé y marche beaucoup mieux que le secteur public, et c’est la même chose pour les assurances privées qui fonctionnent beaucoup mieux que la sécurité sociale grecque Globalement, ici, le système de santé ressemble beaucoup au système américain. Un exemple de la façon il fonctionne : quand une femme enceinte va faire des examens, il n’est pas rare que les résultats lui parviennent seulement deux ou trois mois après. Pas commode pour une femme enceinte ! Il arrive aussi qu’un examen ou un acte prescrit par un médecin ne soit pas remboursé, alors que normalement, il devrait être pris en charge. Si je devais aller exercer ailleurs, ce serait volontiers en France. »
Dr Alessandro Sabatini, généraliste en Italie
« La bureaucratie est la plaie de notre métier. Entre les certificats d’arrêt de maladie, ceux pour les enfants et les adultes qui veulent s’inscrire dans une salle de gymnastique, les copies de tous les certificats et de toutes les ordonnances que nous devons transcrire et envoyer au centre de sécurité social, on ne s’en sort pas. En fait, le médecin joue le rôle de docteur et de secrétaire. Un double emploi qui empiète sur le temps que nous consacrons à chaque malade. Il faut revoir le système et réaménager le temps de travail effectif du médecin de famille. Nos conditions de travail sont épouvantables. Nous sommes payés entre 5 et 6 euros brut par patient inscrit dans notre cabinet. Les charges sociales, 20 % de notre salaire, sont à la charge des médecins qui doivent aussi souscrire une assurance pour leur cabinet. Nous devons payer nous-même la secrétaire assistante, les frais de roulement, la manutention et le matériel sanitaire. Par ailleurs, nous n’avons pas de congés payés sauf les jours fériés et pas de congés maladie. En clair, quand je pars en vacances, je dois trouver un remplaçant et le payer de ma poche. Dans de telles conditions, il ne faut pas s’étonner si les médecins de famille travaillent en parallèle et en coulisses, dans le privé. »
Dr Lena Rageiliene, onco-hématologue en Lituanie
« Dans ma spécialité, on ne rencontre pas de grosses difficultés pour délivrer les soins et obtenir les médicaments des enfants qui sont extrêmement coûteux, même si on a parfois de petits problèmes de logistique… Dans certains services réservés aux adultes, je sais que la situation est beaucoup plus compliquée. Parfois, il faut plus de temps pour obtenir les médicaments ou le matériel. Je travaille depuis 35 ans, je suis professeur associé et je gagne environ 1 200 euros pour 45 à 50 heures par semaine ; mais en fait ce sont surtout les jeunes médecins qui ont de très faibles salaires au regard de la durée de leurs études. La qualité de la médecine et des soins est bonne en Lituanie car la plupart des médecins se forment régulièrement à l’étranger, participent à des congrès, à des actions de FMC… Moi je suis allée aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne. Nos résultats et nos indicateurs sont bons. »
Dr Angela Farrugia, dermatologue à Malte
« J’ai 46 ans, je travaille dans une clinique privée d’une petite ville de l’île. J’y fais de la dermatologie et de la dermatologie chirurgicale. Ma spécialité, je l’ai faite à Paris et aux États-Unis alors j’ai des éléments de comparaison… Exercer à Malte (où il n’y avait pas de femmes médecins jusque récemment mais ça commence à changer), ce n’est pas comme exercer en France, évidemment, mais c’est pas mal quand même ! Et j’adore ce que je fais ; quand mes patients sont contents, je suis heureuse. Il n’est pas rare que mes journées de travail commencent à 6 h 30 et se terminent à 20 heures, je consacre environ 30 minutes à chacun de mes malades à qui il est important que j’explique parfaitement bien comment je les soigne (j’ai appris cela en France). Je ne gagne pas beaucoup d’argent (c’est sans commune mesure avec ce que je gagnerais si j’étais à Paris !), les tarifs ne sont pas très élevés et la vie à Malte est assez chère. »
Dr Krisztina Gyurman, ex-médecin généraliste en Hongrie (aujourd’hui en France)
« De 1997 jusqu’en septembre dernier, j’ai exercé la médecine générale à Budapest essentiellement pour des Français et des francophones, sous forme de visites. J’étais payée à l’acte mais les médecins installés dans un cabinet de ville sont payés suivant un système de capitation (une somme par patient affilié médecin traitant). J’ai 48 ans, ma formation initiale a été très bonne en Hongrie, le système de santé hongrois est bien organisé - hôpitaux et pharmacies - et je n’ai pas rencontré de grandes difficultés dans l’exercice de mon métier même si il y a évidemment certains problèmes administratifs… À Budapest, ou même dans une plus petite ville, vous aurez la même qualité de soins qu’en France. En revanche, l’hôtellerie hospitalière est moins bonne, il n’y a pas de chambre seule, par exemple. En moyenne, un médecin généraliste rémunéré à la capitation ici gagne 3 000 à 3 500 euros par mois mais il doit payer lui-même tous ses frais, secrétariat, assistante… Et ceux qui gagnent ça travaillent au moins 12 heures par jour ! Il y a aussi un système de soins « à côté » du système officiel, on pourrait dire une « médecine au noir » mais paradoxalement il est possible de déclarer une partie de ces revenus parallèles… »
Carlos Arroz, médecin au Portugal
« Cette semaine est très importante chez nous car notre gouvernement socialiste vient de signer un projet de loi qui prévoit de mettre la carrière professionnelle de médecin dans le service national obligatoire. Aujourd’hui, tous les médecins qui travaillent dans le public doivent être soumis au concours public pour prouver leurs connaissances. À partir de maintenant, les médecins auront une carrière indépendante de l’hôpital. Il y aura un examen national et pas par entreprise. Cela marque un retour à la médecine plus réglée et plus publique. Au Portugal, certaines spécialités manquent de médecins. C’est le cas de la chirurgie, de la médecine générale, de l’anesthésie où l’on recherche un rajeunissement des effectifs. Les médecins ont 50 ans de moyenne d’âge. Le système a bien évolué avec une diminution des files d’attente ces dernières années. Il y a deux mois et demi d’attente pour une opération chirurgicale contre neuf mois il y a cinq ans ».
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