Le Havre (76)
Dr Véronique Dumouchel-Testaert
Monsieur le directeur de la CPAM,
Il semblerait que vous ayez demandé à vos agents d’être très stricts sur la façon dont les feuilles de Sécu étaient remplies, au point qu’ils ont perdu tout sens critique et qu’ils sont devenus des exécutants bêtes et surtout méchants. Je vous explique : je suis médecin généraliste, j’utilise l’informatique et la carte Vitale depuis le début, je suis à plus de 85 % de carte Vitale mais malheureusement, certaines personnes viennent sans carte ou je les vois à domicile (eh oui, il y a encore des médecins qui se déplacent, mais jusqu’à quand…), donc j’ai envoyé une feuille de Sécu écrite manuellement avec le numéro de Sécu qui est le bon ! Un de vos zélés collaborateurs me l’a renvoyée sans qu’elle soit traitée : Me No… (Mme No…) n’existait pas et bien entendu, cette personne n’a pas été étonnée de l’écriture, n’a pas pensé que c’était « Madame et elle n’a même pas fait une recherche par le numéro de Sécu.
Dans le même style, je fais partie des médecins qui soignent les Roms, malgré les on-dit et les soi-disant bien pensants qui accusent les médecins de refuser de les soigner. Mais d’un autre côté, malgré l’aide médicale et comme ils n’ont pas de carte Vitale, je fais des feuilles et je ne suis pas payée, donc va se poser la question de ne plus les prendre en charge. Et une fois de plus, on dira que c’est de la faute des médecins.
L’attitude de vos services m’oblige à renvoyer la feuille (je n’ai que ça à faire), d’autant qu’à une certaine époque, on pouvait déposer les feuilles dans les différents bureaux de Sécu. Mais là encore, de façon unilatérale et sans concertation, toutes les feuilles doivent être déposées [à une seule adresse], encore une décision n’allant pas dans le sens d’une aide pour les médecins.
De même, je reçois régulièrement vos collaborateurs qui viennent m’expliquer les nouvelles directives, pas de souci, ils me joignent sans problème. Par contre, eux, pour les obtenir au téléphone, alors là, c’est le parcours du combattant, il faut toujours rappeler. Le plus comique, c’est qu’on se demande pourquoi les jeunes médecins ne s’installent pas. Mais ils réfléchissent et ils n’ont pas envie de vivre comme cela à la merci d’une administration tatillonne qui impose des règles mais qui ne respecte pas les médecins tout comme les assurés. Voilà, va se poser la question : pourquoi ne pas faire autre chose : devenir gériatre à temps plein et donc salarié et laisser tomber mes patients et toutes les tracasseries des différents services publics : mais peut-être est-ce ce que l’administration veut obtenir : moins de médecin, donc des économies.
Voilà. Je voulais vous tenir au courant de mes états d’âmes (mais êtes-vous intéressé ?).
La langue française en eau de boudin
Versailles (78)
Dr Jacques Costagliola
Avec l’anglais on va au bout du monde, avec le français on va au fond des choses (une Vietnamienne au Congrès de francophonie en 1988).
Le français est avec l’anglais la seule langue dont on trouve des locuteurs où qu’on aille dans le monde. C’est la raison pour laquelle il est la cible de l’impérialisme linguistique anglo-étasunien, comme principal concurrent à la mondialisation de la langue anglaise.
Le français est, après le latin, la langue la plus précise et la plus concise au monde, ce pourquoi elle a été pendant des siècles la langue diplomatique européenne. Si les résolutions de l’ONU étaient rédigées en français, il ne pourrait en exister deux lectures, israëlienne et palestinienne.
À l’inverse des autres langues, représentations du génie des peuples (Michelet), la langue anglaise n’est pas une sécrétion du cerveau, du larynx, du poumon et de la langue d’Homo sapiens mais une sous-langue artificiellement forgée au XIIIe siècle avec moitiés de mots français et germaniques. D’où son aptitude, étant hétérogène de naissance, à engranger sans risque des termes étrangers, ce qui n’est pas le cas des langues naturelles.
Aujourd’hui le français est la poubelle de la langue anglaise.
Le Français est avide de gonfler ses voiles aux vents étrangers (C. de Gaulle).
L’intrusion de vocables et de termes anglais ou angloïdes, activée par ses collabos indigènes, snobs colonisés ou mondialistes, a pour conséquence :
1. la perte de l’esthétique de la langue française parlée et écrite ;
2. la bordélisation du langage ;
3. la babélisation ou pollution invisible par double sens, contresens, perte de sens, de nuances, voire carrément de concepts.
Outre la moitié des mots français de base, dont certains perdus de vue sont réappropriés grâce à leur auréole anglaise sans les reconnaître (tennis, bacon, chalenge, chalengeur, clairance), l’anglais en a absorbé d’autres depuis. Ni les uns ni les autres n’ont tous gardé leur sens français. Le tout anglais de l’Éducation nationale a entraîné la suppression des traducteurs professionnels et la prolifération des traducteurs du dimanche, qui ne sont pas des anglicistes, ignorent les nuances de la langue et, nez dans le guidon, tombent dans les pièges tendus par les nombreux « faux amis », mots français ou peu anglicisés ayant pris un sens autre qu’en français. Qu’ils décalquent au lieu de les traduire. Je vais en faire rougir. Moi aussi je les ai utilisés, les Jésuites m’en avaient bien appris le concept mais j’ai mis des décennies à les décrypter, à en comprendre l’ampleur et la toxicité. Le sens anglais du mot est introduit subrepticement, en toute innocence, par le traducteur et se répand par mimétisme. Chacun pense que l’autre donne au mot le même sens que soi, sans voir problème, c’est Babel im-perceptible. Quelques exemples :
- Anglais/evidence : français /preuve (évidence : qui se passe de preuve) ;
- expertise : expérience, compétence (expert’s report : expertise) ;
- experience : épreuve pénible (expérience se dit « experiment » ; les expériences proches de la mort ne seraient pas si courues si les expérienceurs (sic) ne croyaient pas faire une « expérience » enrichissante et sans risque bien sûr) ;
- distribution : répartition (qui tend à être luxé par distribution qui du coup perd son sens premier) ;
- project : programme ;
- plan : projet (qui lui aussi change de sens) ;
- chance : hasard ;
- hazard : danger ;
- consistant : cohérent ;
- physician : médecin ;
- to falsify : réfuter ;
- to finalize : finir et ses synonymes (mais pas finaliser qui signifie accorder une finalité à un phénomène) ;
- to control : commander, maîtriser – contrôler perd son sens français de surveiller, vérifier : la traduction de « control » par « contrôler » dans l’ultimatum anglais du 3 juillet 1940 serait la cause de la défaite de Mers-el-Kébir (1 400 morts français vs zéro mort anglais). Gensoul pensait que les Anglais venaient vérifier les conditions d’armistice de l’escadre, les Anglais venaient en prendre possession ou la détruire (c’était en toutes lettres (franglaises) dans l’ultimatum) et n’a pas appareillé avant de recevoir les 381 sur la casquette ;
- to edite : rédiger ;
- to gaze at : contempler ; mais to contemplate : envisager ;
- to disappoint : décevoir ;
- to deceive : tromper ;
- virtually : en fait ;
- global : mondial ;
- actual : réel, véritable ;
- evoked : provoqué. Etc...
La langue française finira en eau de boudin mondialisée.
Le suicide : un langage
Paris (75)
Dr Gilles Seban
Le suicide met en jeu ce qui nous est le plus cher : la vie. Il renvoie à notre impensable absolu : la mort. Or, notre existence est, dès son origine, conceptuelle puis physique, par définition, en relation. Et le développement personnel est indissociable du lien à autrui. Le sens et sa compréhension ouvrent des voix de rapprochement et d’intégration entre les êtres humains. La parole et le langage tant verbal qu’infra-verbal sont les outils de la communication. Qu’en est-il des actes ? Car il est banal d’attribuer à certains actes une intention précise et consciente. La vie quotidienne le montre. Sans évoquer les actes manqués, du ressort de l’inconscient, qui ont une signification dans l’histoire personnelle de leur auteur. Du reste, l’acting-out des psychanalystes désigne bien l’agi d’un discours qui ne parvient pas à se dire. Donné à entendre à autrui devenu « sourd », il est effectué à la place de l’énonciation d’un souvenir et revêt une dimension éminemment symbolique. Il s’adresse tantôt à un semblable et rival imaginaire, tantôt à l’instance paternelle, celle qui nomme et fait sujet par la parole inscrite dans l’ordre du langage. Quant au suicide et à son passage à l’acte, motivé ou non, prémédité ou non, abouti ou pas, il interroge le sens commun. Accompli entre, d’un côté, la perte de reconnaissance et d’amour de soi et d’autrui, de valeur et de signification de l’existence et, d’un autre, la rupture de lien vital à autrui, n’exprimerait-il pas tout autant un présupposé discours indicible et insondable ? En regard de la psychanalyse, le passage à l’acte traduit une demande d’amour, de reconnaissance symbolique du fond de désespoir. Cette quête est agie par un sujet qui ne peut se vivre que comme un déchet à évacuer. Le sujet serait confronté radicalement à ce qu’il se perçoit, c’est-à-dire en tant qu’objet. Le passage à l’acte se produirait lors d’un grand embarras, d’une émotion extrême, à un moment où toute possibilité de symbolisation échapperait à son auteur déchu. La réaction de ce dernier s’opère sous l’effet d’une angoisse incontrôlée incontrôlable selon un mode impulsif le projetant hors de la scène de son fantasme, hors de la scène du monde. Cet agir impulsif inconscient commis par le sujet identifié à l’objet ne serait pas un acte. Il ne serait donc pas davantage un discours. Constitutif de l’être au paroxysme de sa souffrance, il s’apparenterait à un signe ou un signal. Sa réalité n’en serait pas moins signifiante, tel un cri violent et inaudible, expression de la terreur extrême. Ainsi, le passage à l’acte suicidaire n’est pas l’équivalent d’un discours. Mais le langage qu’il énonce, inscrit dans l’histoire de son auteur, a valeur de communication. À cet égard, il rappelle le cri respiratoire de l’homme à son premier jour. Il est son ultime silence assourdissant et signifiant qui résonne dans la nuit.
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