QUI SONT LES VIEUX ? Tant que l’on ne souffre pas « de vieillesse », les vieux sont toujours les autres, remarque Véronique Fournier, directrice du Centre d’éthique clinique : « on est toujours le jeune de quelqu’un ». « La vieillesse a de multiples visages : c’est avant tout une perception subjective », poursuit-elle. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles leur parole semble inaudible. Paradoxalement, alors qu’il y a une revendication d’autonomie de la parole, « on a été très surpris de constater que, même au cours des débats citoyens, très peu ont parlé. Outre le fait qu’il n’y a pratiquement pas d’expression collective, il y a un refus individuel de se dire qu’on appartient au corps social de la vieillesse », constate le Pr Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris).
Ainsi, beaucoup de décisions sont prises sans, voire contre, le consentement des premiers intéressés. « En tant que clinicien, notre question permanente est de savoir si l’on fait bien », explique le Pr Saint-Jean dont le service est une des dix unités d’oncogériatrie en France. « Lorsqu’on fait des chimiothérapies à des malades de 85-90 ans, on est hors perception du rapport bénéfice-risque. Le débat est ouvert pour savoir si l’on est dans le juste soin ». Le médecin aimerait trouver un partenariat avec les malades tels que celui trouver avec les représentants des usagers dans les hôpitaux qui sont « extrêmement utiles ». « On a besoin de représentants des vieux pour définir la gériatrie de la décennie à venir. Il faut qu’ils nous aident à réfléchir ».
Le juste soin.
La médicalisation ne peut pas être la seule réponse à la prise en charge de la vieillesse, insiste-t-il. Et pourtant, l’un des enseignements des débats est que « les vieux sont plus demandeurs de médecine que l’on ne pouvait le penser ». Elle n’est cependant qu’une réponse immédiate pas toujours bien adaptée, reprend le Pr Saint-Jean, 57 ans, dont la vocation pour la gériatrie ne s’est jamais démentie. À ses débuts de praticien, « les symptômes des vieux étaient tout simplement considérés comme liés au vieillissement : face à un essoufflement, par exemple, les médecins ne se posaient pas la question de l’existence d’une insuffisance cardiaque, raconte-t-il. J’ai fait partie d’une génération militante qui a permis de réintégrer la notion de vieillesse dans la médecine ». Mais ce mouvement, qui s’est amplifié ces dernières années, conduit à une situation ambiguë.
« Aujourd’hui, on est à la fois dans la sur-médicalisation et la sous-médicalisation. Il faut une prise en charge globale et savoir démédicaliser des situations qui n’empêchent pas le juste soin », plaide Olivier Saint-Jean qui se dit toutefois surpris par le refus des vieux d’anticiper. Selon une enquête menée par le Centre d’éthique clinique en 2011 auprès de 186 personnes âgées en moyenne de 83 ans, une grande majorité indiquait ignorer le concept des directives anticipées issu de la loi Leonetti sur la fin de vie. Plus étonnant, une fois ce concept connu, 83 % avouaient qu’elles n’étaient pas intéressées par cette possibilité. « Les vieux font confiance au médecin. Mais je ne suis pas certain qu’ils aient totalement raison car cette confiance doit être basée sur un consentement éclairé qui doit être lui-même fondé sur de la science. Or aujourd’hui, quand on entreprend une action de soin chez un malade âgé, nous ne sommes pas vraiment capables de lui garantir une certitude sur le rapport bénéfice-risque, sur le résultat potentiel qu’on peut lui apporter. C’est un vrai sujet qui renvoie à la problématique de la recherche clinique et thérapeutique chez les malades âgés », reconnaît le gériatre. Sur les malades âgés, l’action de soin elle-même ne peut être la seule explication à la variable de résultat : « il y a tout le reste ».
Repenser l’autonomie.
« Il est très difficile de monter un essai chez les personnes âgées qui soit un essai pur. On peut faire l’hypothèse d’arriver à obtenir un renseignement a posteriori, autour de la structuration de grandes cohortes de sujets âgés et des donnés de l’assurance-maladie. Ce que l’on met à la disposition de nos sujets âgés, c’est notre expérience clinique, notre sentiment et quelques bribes d’informations scientifiques ». Par ailleurs, note le praticien, l’explication en elle-même ne passe pas forcément par les « mêmes canaux » surtout quand les malades âgées ont une « fragilité cognitive ». Dans beaucoup de cas, les malades âgés sont dépossédés de leur pouvoir de décision, témoigne-t-il. Il faut développer une autre façon de penser l’autonomie qui permette à la fois de respecter la personne dans ses choix et ses valeurs et qui donne une place aux proches.
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