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LA SANTÉ serait, à en croire les sondages, le deuxième motif de préoccupation des Français.
Pourtant les candidats dans la bataille électorale s’y risquent encore peu (au regard des enjeux et des attentes), contrairement à l’éducation, l’emploi ou la mondialisation.
Malgré quelques sujets santé abordés (souvent survolés), cette campagne ne devrait pas dénoter par rapport aux précédentes, où ce thème restait sur le banc de touche. « En 2007, on observait quelques convergences entre candidats, notamment sur la régionalisation. Les favoris évoquaient surtout des sujets qu’ils reliaient à leur identité, la responsabilité avec les franchises pour Sarkozy, et les examens gratuits chez les jeunes pour Ségolène, mais il n’y a pas eu de grand débat », se souvient l’économiste de la santé Claude Le Pen. À cette discrétion il voit deux raisons, toujours valables. Ce secteur est éminemment technique mais aussi sensible. Le système français a été « coproduit » par la gauche et la droite main dans la main en 1945. Les partis seraient donc « condamnés » à s’affronter sur des politiques de santé, non sur les fondements de la Sécu « à la française », jamais remis en cause.
Les déserts...mais pas la crise de la médecine générale.
En 2012 néanmoins, quelques enjeux forts ont pointé, à la faveur de déplacements ou de discours santé.
À commencer par celui de la désertification et de l’inégale répartition des médecins sur le territoire.
Faut-il inciter ou contraindre les libéraux à s’installer ? In fine, les candidats se démarquent peu les uns des autres. François Hollande, prenant ses distances avec le projet du PS (qui envisageait de demander aux jeunes de s’installer 5 ans en zones sous-denses en échange de la gratuité de leurs études) se déclare « pas favorable à la contrainte ». Il prône le relèvement du numerus clausus, le développement des stages d’internat en médecine générale ou le plafonnement des installations en secteur 2 dans les zones surdenses selon les spécialités. À droite, Nicolas Sarkozy refuse lui aussi de contraindre les médecins et, tout en défendant la mise en place des bourses pour les étudiants, propose de payer plus cher l’acte à un médecin installé dans un désert. « On ne sait pas vraiment quoi faire : personne ne peut critiquer la remontée du numerus clausus, personne ne veut forcer les médecins. Seule Roselyne Bachelot, dans la première version de la loi HPST et le député centriste Philippe Vigier sont un peu sortis du lot ! », commente Claude Le Pen. Pour Jean de Kervasdoué, économiste de la santé, les candidats passent à côté d’un enjeu devenu central : la crise de l’installation des généralistes. Diagnostic que partage Christine Roullière-Le Lidec, médecin, économiste de la santé et présidente de Dessein*. « Il faut inventer pour donner aux médecins envie de faire leur travail. Cette quête de sens, je ne la trouve nulle part, le débat demande du temps ».
Sarkozy diagnostique la saturation des urgences.
Autre sujet qui a marqué des points, l’hôpital ou plutôt certains de ses dysfonctionnements. François Bayrou a souligné « la profonde démoralisation » du personnel hospitalier. François Hollande a mis en cause directement la convergence public/privé et l’hôpital « entreprise ». Mais personne ne réclame l’abrogation de la loi Hôpital, Patients, santé et territoires (HPST) ou des ARS. À défaut de mesures ciblées, les candidats s’en tiennent à la défense de leur vision globale de l’hôpital : incarnation du service public et social pour la gauche, enjeu de nouvelles formes de management et d’efficience pour la droite.
Sur l’hôpital toujours, Nicolas Sarkozy a décoché une flèche...du côté des urgences, lors de son passage sur M6 début mars. « Nous allons mettre systématiquement devant les hôpitaux, à l’intérieur, une maison avec des médecins de ville qui feront l’urgence du quotidien », a-t-il lancé.
« C’est un thème classique ! », souligne Claude Le Pen. François Bayrou suggère lui aussi « un sas pour trier les patients ». « Toute la question est : comment fait-on participer les libéraux aux urgences », reprend l’économiste.
Encadrer les dépassements, mais comment ?
L’accès financier à la santé, le niveau du reste à charge, le taux croissant de renoncement aux soins ont également été évoqués. Les prétendants à l’Élysée plaident généralement pour l’encadrement des dépassements d’honoraires, mais sans préciser les modalités. François Hollande est allé le plus loin sur ce terrain en proposant une limitation négociée « par région et par spécialité » tandis que Nicolas Sarkozy, fort des décrets sur le secteur optionnel (plutôt l’option de coordination renforcée), a réaffirmé sa volonté de discuter de cet encadrement...avec les organisations syndicales. Le président du Modem a repris l’idée d’« une rémunération à deux composantes, paiement à l’acte et rémunération pour respect d’objectif de santé publique ». Encore une fois, la question des moyens précis reste en suspens.
Dans ce concert de thématiques survolées, le financement de la protection sociale et de la santé (quelles nouvelles recettes ? Faut-il revoir panier de soins remboursés ? quelle rôle pour les complémentaires ?) aurait pu faire figure d’exception avec des propositions radicales, en raison du niveau de l’endettement. Mais là encore, le débat a été escamoté. La décision de Nicolas Sarkozy, fin janvier, d’adopter la TVA sociale a provoqué les foudres des socialistes, qui avancent d’autres pistes : suppression des niches sociales, réforme fiscale... Mais la polémique s’est essoufflée, laissant le sujet en jachère.
Jean de Kervasdoué met en garde contre « un incurable autisme politique ». « Nous avons le système de santé le plus cher au monde sans être pour autant bien soigné. Et on ne s’interroge pas sur le maintien de notre assurance-maladie alors que le déficit est considérable », explique l’économiste. « La protection sociale tend à se financer sur l’impôt, à se fiscaliser, à la manière beveridgienne, alors que notre système de santé s’inspire du modèle bismarckien », souligne le Dr Christine Roullière-Le Lidec. « Il ne faut pas louper le rendez-vous, les professionnels et les patients attendent un débat de fond », conclut-elle.
*Dauphine Économie, Santé Social Entente et Idées Nouvelles.
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