« Les recommandations de bonne pratique de la HAS n'ont pas à être opposables car la médecine est un art évolutif ». Invitée des rencontres du « Café Nile », le Pr Agnès Buzyn, présidente du collège de la Haute autorité de santé a réaffirmé le rôle primordial de ces outils dans l'exercice quotidien.
« Les médecins doivent connaître les bonnes pratiques, a-t-elle précisé, et être capables de dire pourquoi, le cas échéant, ils s'en sont éloignés. C'est lorsque les praticiens ne justifient pas les raisons qui les ont fait s'écarter de ces recommandations qu'ils courent un risque judiciaire. »
Agnès Buzyn prend le cas d'une "reco" ancienne. « Elle peut devenir obsolète, du fait des avancées récentes de la médecine », reconnait-elle. La HAS va prochainement s'atteler à la réécriture d'une recommandation sur les anticoagulants, précise la présidente.
Cette question de l'opposabilité des recommandations est à la fois centrale et épineuse. Un arrêt du Conseil d'État du 27 avril 2011 a constitué un tournant. Saisie par l'association Formindep, la plus haute juridiction administrative avait abrogé une recommandation de la HAS sur la prise en charge du diabète de type 2 pour non-respect des règles de gestion des conflits d’intérêts des experts l'ayant élaborée. L’objet des recommandations est de « guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostic ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édition », écrivait le Conseil d'État.
Lorsque fut rendu l'arrêt Formindep, les juristes glosèrent sur l'opposabilité juridique de ces recommandations.
La liberté thérapeutique préservée par le code de déontologie
À l’époque, l'avocat Olivier Poinsot, spécialiste du droit des institutions sociales et médico-sociales, écrivait sur son blog que l'arrêt du conseil d'État présentait un « intérêt concret » pour les professionnels de santé : « Ils ont pour devoir de se tenir informés des règles de l'art, analysait-il et, à ce titre, d'intégrer à leur pratique le nécessaire respect des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS ». D'aucuns considèrent que le non-respect d’une recommandation constitue une présomption de faute. Mais d'autres juristes sont moins formels. À la question « l’arrêt du Conseil d’État modifie-t-il la valeur juridique des recommandations ? », Frédérique Claudot, avocate au barreau de Nancy, soulignait à l'époque que « de mémoire, un juge ne s’est jamais estimé lié par une recommandation qui n’est pas édictée par une autorité créatrice de droit ».
Dans la pratique, le médecin bénéficie toujours d’une liberté thérapeutique inscrite dans l’article 8 du Code de déontologie médicale : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. »
Pour le Dr Luc Duquesnel, président des « Généralistes CSMF », Agnès Buzyn est dans le vrai. « Nous devons tenir compte de ces recommandations, analyse-t-il, mais avec discernement ». Le syndicaliste estime qu'un praticien qui appliquerait « aveuglément » une recommandation ne tenant pas compte les dernières avancées de la médecine « s'exposerait à être attaqué par son patient devant les tribunaux ».
Pour le praticien, ce subtil dosage entre le respect d'une recommandation et la possibilité de s'en écarter « est ce qui fait la grandeur et la difficulté de l'art médical ». « Ce n'est pas demain que le diagnostic d'un médecin sera remplacé par un algorithme d'ordinateur », conclut le généraliste.
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