LE QUOTIDIEN - Quels enseignements supplémentaires une enquête réalisée par internet apporte-t-elle par rapport à votre expérience clinique ?
PHILIPPE BRENOT - Dans mon cabinet, je n’ai qu’une réalité partielle des problèmes de couples. Nous avons besoin d’enquêtes épidémiologiques, comme celles d’Alfred Spira ou de Nathalie Bajos de l’INSERM. Mais de grandes études comme celle-ci, permettent de mieux appréhender le climat du couple. Internet favorise la fiabilité de la confession. Les gens ne répondent pas facilement dans les entretiens à des questions sur la masturbation ou le vécu négatif. Dans le secret de la nuit, derrière un écran d’ordinateur, on peut se livrer plus intimement. En outre, ces résultats font relativiser et montrent que les difficultés sont normales et non psychopathologiques. En 1980, les rares personnes qui consultaient révélaient des névroses graves. Aujourd’hui, elles sont en mal-être car le couple n’est pas naturel, c’est une construction.
Les médecins ont-ils un rôle à jouer ?
C’est à nous d’avoir une parole éducationnelle. Or les médecins ne reçoivent aucun enseignement sur la sexualité au cours de leur formation universitaire, alors que la fragilité est dans le lien affectif. Beaucoup de maladies émanent du climat amoureux dans le couple : une partie des pathologies cardiovasculaires est liée au stress, les dépressions ont à voir avec les plus proches. Les médecins n’ont pas idée de cette complexité et sous-estiment l’asymétrie entre hommes et femmes. En France, pourtant, 12 universités délivrent un diplôme inter-universitaire de sexologie*.
Quelles clefs le médecin peut-il donner ?
Il peut agir au niveau de l’information et du conseil. La première chose est de dédramatiser et de déculpabiliser. Nous vivons actuellement un terrorisme de l’orgasme et de la performance. C’est compliqué pour les femmes. Il faut aussi libérer la parole sur la masturbation, qu’on apprendrait à ne pas interdire dans une éducation à la sexualité, et qui permet la maturation sexuelle et la pérennité de la sexualité. Enfin, la thérapeutique en sexualité ne s’invente pas, il faut se former ; le Viagra n’a aucun intérêt s’il n’est pas prescrit dans un protocole thérapeutique.
*voir : www.aihus.fr
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