Dans sa lutte contre les moustiques sauvages Aedes aegypti, vecteurs de maladies telles que Zika, la dengue, le chikungunya et la fièvre jaune, l’État de Floride aux États-Unis vient de lancer une expérimentation dans l’archipel des Keys : des moustiques génétiquement modifiés vont être lâchés dans l’environnement dans l’optique de freiner la prolifération des populations femelles de cette espèce, qui ne représente que 4 % des moustiques présents dans l’archipel, mais est responsable de la quasi-totalité des transmissions de maladies dans la zone.
La méthode, développée par la société de biotechnologie britannique Oxitec, a déjà été testée dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Elle consiste à lâcher des moustiques Aedes aegypti mâles porteurs d’un gène « autolimitant » qui écourte la durée de vie de leurs progénitures femelles avant qu’elles n’atteignent l’âge adulte et ne se reproduisent.
Freiner la prolifération des femelles
En s’accouplant avec les femelles Aedes aegypti sauvages, ces moustiques mâles génétiquement modifiés, baptisés « OX513A », transmettent aussi leur gène autolimitant à leur progéniture mâle mais leur survie n’est pas affectée. Ces moustiques génétiquement modifiés sont par ailleurs porteurs d’un marqueur fluorescent qui facilite le suivi des populations.
La technologie « a fait ses preuves dans l’État de São Paulo, au Brésil, en 2019, où après seulement 13 semaines de traitement, la technologie a supprimé jusqu’à 95 % d’Aedes aegypti », assure Oxitec dans un communiqué. Aux États-Unis, le projet a été initié il y a une dizaine d’années avec les autorités de l’État de Floride (Florida Keys Mosquito Control District - FKMCD) pour mener l’expérimentation dans les Keys, où la dengue et Zika sévissent depuis plusieurs années.
Mais le projet a rencontré une vive opposition de certains riverains, exprimant des craintes sur les impacts à long terme d’une telle méthode. Une étude publiée dans « Nature » a notamment alimenté l’inquiétude. Les chercheurs ont mené une analyse génétique des populations de moustiques ciblées par les lâchers avant et après ces derniers. « L’échantillonnage génétique de la population cible à 6 et 12 mois et de 27 à 30 mois après le début des lâchers montre clairement que des parties du génome de la souche transgénique ont été incorporées dans la population cible femelle adulte », indiquent les auteurs, soulignant l’importance de mettre en place une surveillance génétique pour détecter les résultats imprévus.
Malgré les réticences de la population, Oxitec et l’agence locale dédiée à la lutte contre les moustiques, FKMCD, ont finalement obtenu le feu vert de l’agence américaine de protection de l’environnement et de la Food and Drug Administration. En août 2016, cette dernière estimait que « la probabilité qu’un lâcher de moustiques OX513A mâles ait des effets toxiques ou allergènes chez les humains ou les autres animaux est
négligeable ».
L’OMS ouverte mais vigilante
En avril dernier, des boîtes de libération des mâles Aedes aegypti d’Oxitec ont ainsi été placées sur la zone pour libérer lentement leurs moustiques mâles autolimitants. Dans les trois prochains mois, près de 144 000 moustiques génétiquement modifiés vont proliférer pour atteindre une population de plusieurs millions.
Cette expérimentation pourrait être suivie par d’autres. Dans cette perspective, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) élabore de nouvelles directives, notamment avec le GeneConvene Global Collaborative, une initiative des Instituts américains de la santé. L’objectif est de proposer des pratiques à même de garantir que l’étude et l’évaluation des moustiques génétiquement modifiés en tant qu’outils de santé publique soient « sûres, éthiques et rigoureuses », explique l’OMS.
« Nous avons besoin de toute urgence d’approches innovantes pour aider à contrôler les maladies transmises par les moustiques, qui ont un impact dévastateur dans le monde entier, estime le Dr John Reeder, directeur du Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales. Les moustiques génétiquement modifiés sont une de ces approches, mais nous voulons être sûrs qu’ils sont évalués de manière complète et responsable ».
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque