« C’EST L’HORREUR absolue, la négation de tout, ce drame nous ébranle profondément », avance, solennel, Alain Deloche, président de la Chaîne de l’espoir et chirurgien, acteur du monde humanitaire depuis 40 ans. Antoine de Léocour n’était certes pas en mission au Niger. Il travaillait depuis six mois pour l’association Aide médicale internationale en tant que responsable de programmes et s’était rendu à Niamey pour préparer son très prochain mariage.
Mais le meurtre des deux jeunes hommes ne manque pas de bouleverser les ONG, déjà touchées cet été par l’exécution de l’otage Michel Germaneau. Un drame révélateur d’un climat tangible de violence à l’encontre des Français, que la prise d’otage de 5 salariés d’Areva n’a fait qu’aggraver.
« Aujourd’hui, le statut d’humanitaire ne protège plus », analyse Pierre Micheletti, professeur associé à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble et ancien président de Médecins du Monde. Par éthique, les missionnaires refusent généralement une protection trop visible, de peur d’être assimilés, aux yeux de la population, au gouvernement de leur pays d’origine. « Nous sommes donc un groupe vulnérable et très repérable : lorsque nous arrivons à l’aéroport, nous sentons mille yeux qui nous regardent », témoigne Alain Deloche, très actif en Afghanistan. Mais contrairement aux précédentes décennies, le statut d’humanitaire n’est plus synonyme de neutralité. Les règles de la guerre ont changé, avec la montée du terrorisme, aux dépens des guerres ouvertes où l’impartialité des ONG était reconnue.
Renforcement de la sécurité.
Le meurtre d’Antoine de Léocour et de Vincent Delory va immédiatement entraîner « un tour de vis sur le plan sécuritaire pour tous les organismes humanitaires », selon Pierre Poupard, coordinateur-urgences au siège de l’UNICEF (New York). Le profil des volontaires est regardé avec plus d’attention, afin de limiter la venue des expatriés accompagnés de leur famille. « En tant que cadres, nous sentons une responsabilité accrue et si la jeunesse est insouciante, nous devons refuser d’envoyer au feu des personnes de 22 ans », confie Alain Deloche. La part des financements consacrés à la défense augmente (au détriment du soin) et les règles se durcissent : couvre-feu, interdiction de sortir en journée, équipement en radios, formations et séminaires obligatoires…
Sur le terrain, ce renforcement de la sécurité conduit à la restriction du périmètre d’action des associations. « Une conséquence dramatique pour les populations en souffrance qui attendent notre aide », souligne Pierre Poupard. Mais qui reste ponctuelle, selon le responsable de l’UNICEF : « Malgré les embûches, les humanitaires continueront à aller sur le terrain, en attendant les signes d’ouverture et d’apaisement pour former des corridors », affirme-t-il. Un avis que partage le porte-parole de la Croix-Rouge Française, Jean-François Riffaud, pour qui le retrait de l’aide humanitaire ne peut être que circonscrit : « Si nous avons fermé en 2007 un hôpital de campagne au Pakistan, nous sommes restés présents dans le pays, et nous avons apporté cet été notre aide lors des inondations ».
Pourtant, les inquiétudes persistent pour certaines régions particulièrement dangereuses comme l’Irak, l’Afghanistan, le Caucase, et le Sahel. Parce que les ONG font parfois preuve d’une proximité dérangeante avec leur gouvernement, et qu’elles affichent peut-être trop leur identité occidentale, leur périmètre d’action menace de s’effriter, estime Pierre Micheletti.
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