En France, « on a du mal à avoir des statistiques sur les violences sexuelles », déplore le Dr Violaine Guérin, gynécologue et endocrinologue, présidente de Stop aux violences sexuelles (SVS). On estime qu’une femme sur quatre y est confrontée dans sa vie, et un homme sur six. « Des dizaines de milliers d’enfants sont victimes de ces sévices en France », alerte-t-elle. Vivre avec, c’est être une « bombe à fragmentation », poursuit-elle.
Selon une étude épidémiologique menée par le Dr Jean-Louis Thomas, en partenariat avec l’INSERM, dévoilée ce lundi, les victimes de violences sexuelles (appréhendées à travers un échantillon de 188 personnes dont 170 femmes) présentent à 49 % des allergies, des affections gynécologiques et dermatologiques (45 %), des problèmes ORL (35 %) et neurologiques (30 %), ou encore néphrologiques (28 %), sans parler de dépression (74 %) ou autres troubles du comportement. Le coût médico-économique serait de 10 milliards d’euros annuels (hors coûts sociaux), selon la même étude.
L’amnésie traumatique méconnue
Le repérage de ces violences sexuelles patine. « En 1978, il y avait 10 minutes d’enseignement sur ce sujet en faculté de médecine. Aujourd’hui, cela prend deux heures », regrette le Dr Guérin.
Première étape, les médecins doivent être sensibilisés à l’existence même de ces violences sexuelles, estime la présidente de SVS. Tâche d’autant plus délicate que la victime n’en a parfois pas conscience, si elle est sujette à une amnésie traumatique (due à la déconnexion du cerveau, une consommation d’alcool ou de drogue, des processus de déni ou dénégation, l’inconcevabilité d’une telle violence, etc.). Selon l’étude du Dr Thomas, les violences sexuelles subies avant 7 ans sont significativement concernées par l’amnésie traumatique.
Par ses questions, le médecin peut faire émerger le traumatisme. Encore faut-il savoir interroger le patient, et notamment son cadre de référence. « Près de 98 % de mes patients répondent non à la question : avez-vous subi des violences physiques. Mais les réponses évoluent lorsque j’évoque des fessés ou un accident de voiture », illustre le Dr Guérin.
Les médecins doivent ensuite être formés à accueillir la parole des patients, puis à les accompagner dans un travail d’équipe. « Il y a un problème logistique. Une consultation prend alors 1h30. Avec le C à 23 euros, ce n’est pas possible », dit le Dr Guérin.
Pour une ALD 31
L’association SVS milite pour la construction d’un véritable parcours de soins, et notamment la reconnaissance d’une ALD 31. « Il faut sortir du tout psychiatrique et faire travailler le corps et la tête », explique la gynécologue. À titre d’exemple, l’association a monté un atelier thérapeutique d’escrime, qui en 10 séances, permet aux victimes de faire sortir la violence dans un cadre thérapeutique, y compris la pulsion de meurtre, et de se reconstruire. Coût d’un cycle : 35 000 euros. « Il faut une prise en charge à 100 % des thérapies », demande le Dr Guérin.
Enfin, l’association SVS fonde ses espoirs dans les évolutions législatives. Si la proposition de loi de Muguette Dini et Chantal Jouanno repoussant les délais de prescription pour les victimes de viol et d’agression sexuelle a été rejetée par l’Assemblée nationale, la loi sur la protection de l’enfance (Muguette Dini et Michelle Meunier) inscrit l’inceste dans le code pénal. « Les victimes ont besoin que ce mot soit prononcé par la justice ; en outre, des circonstances aggravantes pourront s’appliquer à l’environnement de l’enfant, et non seulement au père », explique Muguette Dini.
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