LE QUOTIDIEN - François Hollande a lancé une offensive politique sur le terrain de la santé. La CSMF s’est dite prête à travailler avec lui s’il était élu. Le candidat socialiste n’a-t-il pas marqué des points dans les milieux médicaux ?
XAVIER BERTRAND – Son attitude sur la santé est à l’image de son attitude sur les grands dossiers de société. Il n’y a pas d’idées nouvelles et le discours est très contradictoire et conservateur. Sur le fond, François Hollande est pris en flagrant délit de contradiction permanente. Les mesures qu’il suggère existent déjà à 99 % mais il ne les a pas votées. Les médecins peuvent se poser des questions sur son souci de ne pas déplaire.
Sur la liberté d’installation, l’attitude des socialistes a été de lui porter des coups depuis cinq ans. Aujourd’hui, François Hollande essaye de louvoyer sur ce sujet. Mais je note qu’il évoque une limitation dans les zones surdotées, c’est le début de la fin de la liberté d’installation et un pas vers le conventionnement sélectif. J’assume un tout autre choix : les incitations – les maisons de santé, les bourses, les cabinets secondaires…- et le volontariat. On ne conduit pas une politique de santé contre les professionnels mais avec eux. Contraindre les médecins ne peut avoir qu’un seul effet : on n’en trouvera plus.
On ne s’improvise pas spécialiste de ces questions. Ceux qui le conseillent, en particulier Jean-Marie Le Guen, ou qui se bousculent pour être calife à la place du calife dans le domaine de la santé, ne sont pas les plus ouverts et les plus inventifs.
Aucune de ses propositions ne trouve donc grâce à vos yeux ?
François Hollande nous propose des pôles de santé ou des modes d’exercice regroupé. Ça s’appelle des maisons de santé pluridisciplinaires et ça marche déjà ! Il devrait le savoir, j’en ai inauguré une en Corrèze. Il suggère de couvrir le territoire en zones d’urgence ? 92 % de la population est déjà à moins de 30 minutes d’un service d’urgence, avant même le renforcement que je veux proposer sur de nouvelles lignes de SMUR qui seront ouvertes dès cette année.
En proposant la fin de la convergence tarifaire à l’hôpital, il commet une faute grave. Par ailleurs, je note une impasse de son programme sur le financement de la santé. Et que propose-t-il aux patients 10 ans après la loi Kouchner ? Je veux dire enfin un mot de l’Aide médicale d’État : on a mis en place un droit de timbre de 30 euros qu’il veut supprimer. C’est une irresponsabilité totale. Bref, la prescription « Hollande » n’est pas de nature à nous soigner !
Où sont les propositions nouvelles dans la plate-forme santé de l’UMP ?
J’en ferai dans la campagne pour notre candidat, le moment venu. Je proposerai une vision du système de santé à cinq ans et dix ans, avec des propositions fortes. D’ores et déjà, j’ai fait des recommandations sur la dimension territoriale de l’accès aux soins, sur l’accès à la complémentaire santé ou encore sur les droits des patients et la démocratie sanitaire. La loi Kouchner doit trouver un nouveau souffle. Il faudra aussi mieux protéger les médecins dans leur exercice, parler concrètement des délégations de tâches et de la prévention.
Justement, quel rôle entendez-vous jouer dans cette campagne ?
Je fais partie des trois quarts des Français qui veulent que la santé soit un thème central. La santé devrait rassembler. Compte tenu de la pauvreté des propositions en face, je crois qu’il y a une attente forte vis-à-vis de la majorité pour dessiner le visage de la médecine dans les dix ans qui viennent. Vous pouvez compter sur moi.
Les négociations sur le secteur optionnel ont échoué. Que va faire le gouvernement ?
Sur les dépassements, on va publier dans les semaines qui viennent le décret sur le secteur optionnel dans sa version actuelle c’est à dire pour les praticiens de secteur II. Chacun devra appliquer la loi. Les dépassements encadrés prévus dans la loi seront intégrés aux contrats complémentaires responsables, ce qui sera une avancée importante pour les patients. Certains – assurances privées, institutions de prévoyance – étaient prêts à aller plus loin. Pourquoi les mutuelles n’ont-elles pas voulu s’engager sans réserves ? J’aurais préféré qu’on aille plus loin, plus vite. Mais le chemin est pris.
Les médecins de secteur II vont-ils jouer le jeu ? Je le crois. Évidemment, le secteur optionnel n’intéressera pas la totalité des praticiens de secteur II. Mais les dépassements sont très variables d’une région à l’autre. Je suis convaincu que cette option intéressera beaucoup de médecins .
Lors de vos vœux à la presse, vous avez mis en cause l’opacité des tarifs des mutuelles et promis des initiatives rapides. Depuis, on n’a rien vu…
Certains souhaitent une mission d’information sur la fixation des tarifs des mutuelles. Michèle Alliot-Marie est en train de porter ce sujet. Une enquête a montré que les tarifs ont bondi de 6,1 % au mois de janvier. L’augmentation de la taxe est de 3,5 %. Où est passée la différence ?
Le film avec le méchant gouvernement et les gentilles mutuelles, c’est un peu facile… Le prix des médicaments baisse, les dépenses de santé sont contenues. Si une mutuelle augmente son tarif davantage que la fiscalité, c’est son droit. Mais dans ce cas elle doit l’assumer. Les mutuelles ont beaucoup communiqué dans la presse pour dénoncer la taxe alors que la loi était votée et validée ! Combien ont coûté ces encarts publicitaires ? Il aurait mieux valu qu’elles fassent la promotion de l’aide à la complémentaire santé…
La pétition contre la « taxe santé » de la Mutualité a recueilli un million de signatures…
C’est beaucoup mais la Mutualité a 40 millions d’adhérents.
Les médecins scolaires se sont mobilisés cette semaine pour revaloriser leur carrière. Vous les soutenez ?
La médecine scolaire, qui dépend de l’Éducation Nationale, est un enjeu majeur pour la prévention, les troubles de l’apprentissage et le suivi des jeunes.
Après le scandale des prothèses PIP, la France va-t-elle légiférer sur les dispositifs médicaux d’ici à la fin du quinquennat ?
J’ai lancé une initiative commune avec d’autres ministres de la Santé pour faire évoluer la réglementation au niveau européen, en lien avec le Commissaire Dalli, et apporter des garanties sur les dispositifs médicaux en provenance de l’étranger. Je veux que l’on aille vers un système d’autorisation de mise sur le marché pour les dispositifs médicaux les plus sensibles au niveau européen. Mais la fraude que nous venons de mettre à jour, extrêmement organisée, doit nous amener aussi à revoir nos méthodes. Les contrôles étaient jusqu’à présent programmés, limités. Il faut des contrôles plus réguliers, inopinés, sur les lieux de production comme d’implantation, dans les établissements, pharmacies, hôpitaux et cliniques, de façon à voir si le produit, livré et prêt à être implanté, est bien conforme. Nous devons également renforcer le nombre de contrôleurs. Cette réforme sera opérationnelle avant la fin avril. Nous n’avons pas besoin de faire une nouvelle loi car la loi Mediator englobe l’ensemble des produits de santé, les médicaments mais aussi les dispositifs médicaux.
CONTRAINDRE LES MÉDECINS NE PEUT AVOIR QU’UN SEUL EFFET : ON N’EN TROUVERA PLUS.
Dans l’affaire des jours de RTT stockés dans les hôpitaux, vous avez affirmé qu’il n’y avait pas de cagnotte réservée à l’hôpital. Les médecins libéraux ne sont pas convaincus…
Arrêtons de monter des polémiques ! Si dans tel hôpital, tous les médecins réclamaient de se faire payer tout de suite l’intégralité de leurs congés épargnés, oui, nous aurions à déléguer des crédits en plus. Mais ce ne sera pas le cas alors n’affolons pas tout le monde en évoquant une cagnotte. Nous avons provisionné les budgets depuis des années. Que les 35 heures aient été une lourde erreur à l’hôpital, c’est vrai. Que l’on en subisse toujours les conséquences, c’est vrai aussi. Mais avec l’accord-cadre qui a été signé, nous permettons un épurement maîtrisé des RTT en laissant aux professionnels la liberté de choix. Pour l’avenir, nous avons défini des règles nouvelles permettant d’éviter la reconstitution de stocks de jours importants..
Nombre de médecins des CME se sentent dépossédés de leurs pouvoirs. Que leur répondez-vous ?
Trouvez-vous que l’hôpital soit à feu et à sang ? Nous nous sommes engagés dans une démarche résolue de valorisation de l’exercice médical à l’hôpital. Je rappelle que les syndicats de PH ont compris cette logique en signant l’accord-cadre en pleine connaissance de cause. Pensez-vous qu’ils se seraient engagés si la situation était si mauvaise ? Preuve de ce dialogue, le décret « CME » sera publié avant avril, ce texte montrera que la CME n’est pas un spectateur passif. Elle aura à débattre de l’EPRD [recettes et dépenses des établissements NDLR] et sera informée sur les nominations. Je ne changerai pas l’équilibre de la loi HPST mais je veux montrer que le médical compte à l’hôpital.
Le gouvernement a présenté mercredi son projet de TVA sociale censé doper la compétitivité et l’emploi. Vous vous êtes ralliés à cette réforme ?
J’ai toujours dit que je souhaitais que l’on charge moins le travail. Compte tenu de la décision d’une augmentation limitée de TVA - 1,6 % - il fallait tout mettre sur la question de l’emploi et de la compétitivité, d’où le choix d’alléger les cotisations familiales payées par les employeurs. Nous avons pris cette mesure sur la compétitivité et l’emploi mais il va falloir asseoir le financement de la protection sociale sur du solide pour les 5 à 10 ans à venir. Il nous reste beaucoup à faire. Sur le financement de la protection sociale, il faut une réforme en profondeur. Sur ce sujet, Hollande est très conservateur. Le changement, c’est nous !
Avez-vous des regrets sur votre action au ministère de la Santé ?
Nous avons réussi à faire revenir la confiance. J’observe que depuis un an et demi, il n’y a jamais eu autant d’accords avec le corps médical. Que ce soit pour la convention médicale ou l’accord-cadre avec les syndicats de PH, cela montre que nous savons pratiquer le dialogue. Je ne comprends pas ces discours qui noircissent la réalité du système de santé. Dire que tout va mal, ce n’est pas vrai. Nous avons réglé le problème de la RCP, le dossier des médecins à diplôme étranger… Un patient soigné et guéri, ça ne fait pas la une des journaux mais c’est bien pour le malade et le médecin. C’est pareil pour un ministre.
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