Le confinement « n’a pas eu un effet déclencheur, mais a été plutôt un révélateur des violences conjugales avec un effet aggravant dans certaines situations », analyse un rapport de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF).
Commandé le 26 mars par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, le document, rédigé par Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF, dresse un premier état des lieux des violences conjugales pendant le confinement, période qui a complexifié le travail de repérage, de protection et d’accompagnement des victimes.
Un renoncement aux soins pendant le confinement
Le rapport présente ainsi de premières données collectées par la Fédération des observatoires régionaux des urgences (FEDORU). Il en ressort que le taux d’hospitalisation (violences graves) n’a pas varié par rapport à la période pré-confinement, et aucune différence significative concernant la gravité des sévices entre les différentes périodes n’a été constatée.
« Les 8 UMJ (unités médico-judiciaires) indiquent que les victimes de violences au sein du couple ayant été accueillies dans leur service pendant le confinement étaient déjà victimes avant le confinement », précise le rapport. En revanche, la part des patientes qui se sont rendues aux urgences par leurs propres moyens a diminué au profit de celles arrivant en ambulance ou avec les pompiers.
Ces constats « montrent que le confinement n’aurait pas été un élément déclencheur et que les victimes de violences conjugales ont pu renoncer aux soins par peur de se déplacer », poursuit le rapport, s’inquiétant des conséquences pour la santé des victimes de ce renoncement.
Une multiplication des signalements par l’entourage
Le document fait par ailleurs le bilan des mesures « exceptionnelles » mises en place pendant le confinement. Les campagnes de communication sur les dispositifs d’alerte et d’écoute ont permis de donner une « visibilité inédite » aux violences conjugales.
Les appels au 3919 (numéro d’écoute à destination des femmes victimes de violences) et au 116 006 (numéro généraliste pour les victimes) n’ont cessé d’augmenter. Ainsi, 44 235 appels ont été reçus par le 3919 pendant le confinement, alors que le numéro a comptabilisé environ 96 000 appels sur l’ensemble de l’année 2019 (contre 66 824 en 2018 et 61 280 et 2017).
Fait nouveau, de nombreux appels ont été passés par l’entourage. « En avril 2020, la part des victimes ayant appelé le 3919 a diminué (passant de 65,8 % en mars à 57,7 % en avril), au profit de celle de l’entourage (de 24,9 % à 31,3 %), c’est-à-dire la famille, les ami.e.s, les collègues mais aussi les voisin.e.s », note le rapport.
Les moyens de communication dits « silencieux » (tchats, SMS) ont également connu un « essor exceptionnel ». Les signalements sur la plateforme « Arrêtons les violences » ont été multipliés par 4,4 par rapport à 2019 pour tous les faits de violences et par 17 pour les faits de violences intrafamiliales. Le nombre de SMS au 114 (numéro d’appel d’urgence pour les sourds et malentendants) a été multiplié par trois.
Le rapport salue par ailleurs la création de nouveaux points de contact, notamment les points d’accueil dans les centres commerciaux et la possibilité de signalement dans les pharmacies. Si aucun bilan national n’est dressé sur cette mesure spécifique, le rapport invite à sa pérennisation.
Des forces de sécurité plus sollicitées
La médiatisation de ces dispositifs d’alerte et d’écoute a par ailleurs entraîné une sollicitation accrue des policiers et gendarmes. « Les victimes et témoins n’ont pas hésité à alerter les forces de l’ordre et ce dès les premiers signaux de situations de violences, sans s’interroger sur la gravité ou l’urgence, ce qui n’était pas le cas avant le confinement », observe le rapport. Les interventions à domicile ont ainsi augmenté de 48 % depuis le début confinement.
Pour autant, le retour des parquets généraux des cours d’appel sur l’activité pénale, pour la période du 17 mars au 6 avril, relève que « la majorité des interventions à domicile n’a pas donné lieu à des suites pénales faute d’éléments constitutifs de l’infraction », est-il souligné.
Des mesures pour les auteurs de violences
Des adaptations procédurales ont tout de même été mises en œuvre pendant le confinement pour « prioriser » le traitement judiciaire des violences intrafamiliales : comparutions immédiates, ordonnances de protection, attribution de Téléphone Grave Danger et éviction du conjoint violent du domicile familial. Selon les chiffres, encore provisoires, arrêtés le 24 juin, 2 900 faits ont été enregistrés sur la période du confinement. « Si l’on prend en compte seulement les violences intrafamiliales commises au cours de la période de confinement, les jugements ont augmenté de 63 % », note le rapport.
Les auteurs de violences ont par ailleurs bénéficié de mesures spécifiques pendant le confinement. Entre le 6 avril et le 12 mai 2020, 69 d’entre eux, à l’encontre desquels une décision d’éviction avait été prononcée, se sont vus attribuer un hébergement. Une ligne d’écoute, le 08 019 019 11, a également été créée le 6 avril. Gérée par la Fédération nationale d’accompagnement des auteurs de violences conjugales (FNACAV), elle visait à prévenir les violences et éviter la récidive, notamment par l’orientation des appelants vers un accompagnement thérapeutique, psychiatrique ou un suivi des addictions.
Le rapport « permet de mettre en avant les bonnes pratiques et initiatives innovantes prises durant cette période exceptionnelle que nous devrons, pour celles qui ont fait leur preuve, pérenniser afin de toujours mieux repérer, protéger et accompagner les victimes », a souligné Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, depuis le dernier remaniement ministériel.
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