ALORS QU’APRÈS sept semaines, un flot continu – même si récemment réduit – de pétrole en provenance du puits de la plate-forme Deepwater Horizon, continue à se déverser dans le golfe du Mexique, des hospitalisations récentes de membres des personnels engagés par BP pour l’endiguement de la nappe flottant sur la mer suscitent l’inquiétude dans la population américaine. Près d’une douzaine d’employés en effet ont été hospitalisés quelques jours la semaine dernière avec des difficultés respiratoires, des maux de tête, des nausées et des douleurs à la poitrine. D’après un rapport paru dans la presse américaine, un pêcheur faisant partie d’une équipe qui brûlait le pétrole s’échappant du puits, aurait aussi été hospitalisé avec des maux de tête sévères, des douleurs à l’estomac et des saignements de nez.
Par ailleurs, récemment également, les garde-côtes américains, le service des parcs nationaux et le département de l’Intérieur ont fait rentrer 125 bateaux engagés dans l’opération de nettoyage après que des membres de l’équipage se sont plaints de problèmes médicaux. Une base de données reflétant, en temps réel, les appels aux centres antipoison américains a permis de recenser, à la date du 2 juin, 45 consultations relatives à une exposition toxique liée au déversement de pétrole, dans les états en bordure du golfe du Mexique.
«Les symptômes décrits le plus souvent ont été une irritation de la gorge et des maux de tête », indique au « Quotidien » Mark Ryan, directeur du centre antipoison de Louisiane, mais, ajoute-t-il, « il y a également eu des nausées, des douleurs thoraciques, des vertiges, des toux et des difficultés respiratoires modérées ». La majorité des appels sont originaires de Louisiane et les manifestations pathologiques sont le résultat d’inhalation de vapeurs de pétrole brut ou peut-être de dispersants, précise-t-il. « En général, après le retour au port des travailleurs en mer, ou celui des personnes exposées sur la côte à leur domicile, les symptômes se résolvent d’eux-mêmes », dit Mark Ryan. À la date du 4 juin, alors que la nappe de pétrole atteignait des plages de l’Alabama, le centre antipoison de cet État commençait à recevoir des appels faisant état d’irritations cutanées chez des baigneurs.
Le CDC a participé à la mise en place de la base de données des centres antipoison, alimentée en temps réel. Il met aussi à la disposition des autorités sanitaires un autre outil de surveillance national, appelé Biosense, qui regroupe 500 entités, parmi lesquelles des hôpitaux et des établissements de santé publics et privés, des systèmes de surveillance locaux ou de différents états et des laboratoires nationaux.
Enfin, l’Institut national de la santé et de la sécurité du travail, qui fait partie du CDC, a établi un registre facultatif pour les personnes participant au nettoyage des côtes. Près de 3 000 participants appartenant à des organisations différentes y sont inscrits à ce jour.
Des motifs d’inquiétude.
Mais ces initiatives ne sont pas suffisantes pour certains observateurs, qui critiquent le manque de transparence entourant les opérations de nettoyage dans le Golfe et leurs conséquences sanitaires. Première lacune de taille : l’absence d’information concernant les dispersants répandus dans la mer par BP. « On ne sait pas à quoi les gens ont été exposés », s’indigne Michael Harbut, directeur du centre de médecine du travail et de l’environnement de l’institut du cancer Karmanos, à Detroit. « BP refuse, sous prétexte de secret de fabrique, de révéler la composition des dispersants. C’est plus que scandaleux », dit-il au « Quotidien ». D’autant plus, ajoute-t-il, que ces produits pourraient atteindre un nombre croissant de victimes potentielles, en pénétrant la chaîne alimentaire, notamment par l’intermédiaire des produits marins.
La météorologie estivale pourrait aussi contribuer à une expansion des contaminations. « Je suis très inquiet à l’approche de la saison des ouragans, indique le médecin. Les produits pétroliers et les dispersants pourraient être répandus sur les côtes sous forme de précipitations. Les toxines pourraient être disséminées sous forme de particules aéroportées qui pourraient être inhalées par la population et la rendre malade. »
Faisant référence aux hospitalisations récentes, il exprime également de la frustration. « Il est extrêmement inquiétant que le gouvernement américain n’ait pas communiqué toute l’information, estime-t-il. Cela favorise les rumeurs. » Et il déplore un phénomène qu’il résume par la formule : « La bureaucratie protège la bureaucratie. »
« Plutôt que de minimiser les risques », il faudrait, selon Michael Harbut, développer un système de surveillance plus systématique des personnes impliquées dans le nettoyage de la nappe de pétrole flottante. Et, faisant référence à la structure de l’organisation Médecins sans frontières, pour laquelle il a fait du volontariat lors de la guerre civile au Rwanda en 1994, le médecin va jusqu’à suggérer que les États-Unis pourraient mettre en œuvre une meilleure gestion des crises sanitaires si les grandes agences qui en sont chargées étaient dirigées par des médecins habitués à intervenir dans des situations critiques plutôt que par des techniciens et des administrateurs.
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