SOLLICITÉS TOUT AU long des événements, après les meurtres d’un parachutiste à Toulouse, de deux autres militaires à Montauban, de trois enfants et d’un enseignant d’un collège juif de Toulouse, puis lors du siège du suspect, un Français d’origine algérienne de 23 ans, Mohamed Merah, les criminologues ont tenté de mettre des mots scientifiques sur l’indicible et la barbarie. Certains catégoriques, d’autres plus circonspects. Peut-on poser un diagnostic à partir des images d’actualité ? « Oui, estime le Dr Roland Coutanceau, psychiatre-criminologue. Trente ans d’expertise et vingt ans de pratique auprès de patients sous obligation de soins me permettent de l’affirmer : parallèlement à l’analyse clinique de la personnalité, celle du comportement d’un individu qui passe à l’acte est tout autant révélatrice du sujet et de ses pathologies. Aussi bien dans les petites choses de la vie quotidienne que dans les comportements transgressifs hors norme, nous sommes en mesure d’émettre des hypothèses scientifiquement fondées. » En l’occurrence, analyse le président de la Ligue française de santé mentale, « le mode opératoire spécifique de ces différents assassinats, à la fois implacable, froid et déterminé, traduit le caractère paranoïaque de la personnalité de Mohamed Merah. Il a commis ces sept meurtres avec une conviction absolue, ne laissant place à aucun doute ; il a déshumanisé ses victimes qu’il a traitées comme des symboles et non des personnes ; il s’est attribué une mission idéologique, selon sa croyance. En tout cela, il n’est ni un serial killer, ni un meurtrier de masse, mais il fait montre d’une logique qui témoigne surtout d’un profil paranoïaque. »
La question des imitateurs.
Seule criminologue expert près la Cour de Cassation, Michèle Agrapart-Delmas, pyschologue de formation, récuse cette analyse. « Merah, affirme-t-elle, n’était nullement un psychopathe ; il n’a exprimé aucun syndrome persécutif caractéristique d’un délire paranoïaque. Ce jeune homme immature souffrait en réalité de troubles d’identification à l’image masculine positive, liés à une enfance privée de père. Souffrant d’une fracture entre ses deux cultures, il a cherché à s’enrôler dans l’armée et le refus qu’il a essuyé de la part des autorités militaires l’a fait basculer, en rejoignant des groupes extrémistes en Afghanistan et au Pakistan. La France ne voulait pas de lui. La frustration qu’il a ressentie dans ce rejet l’a précipité dans une spirale de dangerosité exceptionnelle, faisant preuve dans ses passages à l’acte d’une totale anesthésie affective. »
Les événements de Toulouse et de Montauban ont suscité une telle émotion dans l’opinion, en France comme à l’étranger, que la question des imitateurs éventuels ne saurait être éludée. Les deux criminologues partagent la même appréhension. Michèle Agrapart-Delmas ne cache pas sa « peur de voir se déclencher des phénomènes d’imitation. J’ai tellement vu des jeunes endoctrinés inaccessibles à toute discussion raisonnée que je ne peux que redouter l’impact des images de martyr qui vont circuler autour du "moudhahid" de Toulouse. » De telles images, « qui risquent de célébrer des actes d’héroïsme destructeur hors-norme, peuvent en effet exercer une fascination-attraction sur une petite catégorie de la population, confirme le Dr Coutançeau. Mais la cristallisation de ces phénomènes d’imitation avec une telle intensité paranoïaque ne saurait toucher qu’une infime minorité. »
À lire : L’expertise criminelle, de M. Agrapart-Delmas, Éditions Favre et Les blessures de l’intimité du Dr Coutanceau, éditions Odile Jacob.
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