En février dernier, un vaste coup de filet à Naples a débouché sur l’arrestation de 55 médecins et paramédicaux accusés de fraude à l’absentéisme.
À Rome en novembre dernier, dix personnes ont été assignées à résidence et 26 autres ont été mises en examen pour avoir manipulé les appels d’offres dans le cadre de la restructuration de l’hôpital San Camillo, la plus grande structure publique de la capitale. En Sicile, cinq médecins hospitaliers ont été interpellés l’hiver dernier pour avoir poussé leurs patients en dialyse vers des cliniques privées. Et cerise sur le gâteau : la veille du réveillon de Noël, l’ex-gouverneur de la Lombardie Roberto Formigoni a été condamné en première instance pour corruption. « En Italie, corruption et santé vont malheureusement de pair et la plupart des établissements ont eu maille à partir avec la justice. La vérité, c’est que quasiment tout le secteur est contaminé et gangrené jusqu’à la moelle », se désole le Dr Marco Macrì.
Selon l’institut de recherches Ispe-Sanità, le coût économique de la corruption dans la santé a atteint des proportions inquiétantes. « Selon nos dernières estimations, le montant de la corruption frôle la barre des 5 à 6 milliards d’euros par an » déclare Francesco Macchia, président de cet institut de recherche. « Les vrais données sur la corruption n’existent pas et la publication de chiffres est par définition approximative », rétorque Raffaele Cantone, président de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption. Soit, mais pour les instituts de recherche très cotés en Italie, Censis, Ispe-Sanità et Rissc, la corruption est au contraire tout au fait quantifiable.
Les caisses et les établissements fortement exposés
Dans leur dernier rapport annuel rédigé en commun et intitulé « Soignons la corruption » présenté il y a quelques semaines, ces trois instituts affirment que le « virus de la corruption a contaminé une asl (administration sanitaire locale, l’équivalent italien des CPAM ndlr), sur trois en Italie ». Selon cette étude, 37 % des asl ont été impliquées dans des affaires de corruption et notamment de pot-de-vin durant les cinq dernières années. Autre donnée inquiétante : 77 % des professionnels de santé estiment que les établissements qui les emploient sont à risque corruption. Enfin, 4 % des Italiens affirment avoir déjà payé un dessous-de-table pour obtenir un rendez-vous en milieu hospitalier.
Ce rapport fait aussi état de la corruption dans le secteur pharmaceutique où de nombreux cas de produits utilisés de façon excessive sont ponctuellement dénoncés par les associations de consommateurs. Il pointe aussi le manque d’intérêt envers les génériques notamment de la part des titulaires d’officines incités à la vente de princeps par les maisons de distribution. « C’est ce que nous appelons du placement », confie Francesco Macchia.
Autre point noir dans la santé : la nomination des dirigeants. « Certaines nominations débouchent facilement ensuite notamment lorsqu’elles sont politiques, sur des affaires de clientélisme surtout en ce qui concerne les appels d’offres, l’achat de matériels sanitaires, le réaménagement des structures », affirme le président d'Ispe-Sanità. Enfin, la question de « l’intramoenia », c'est-à-dire les consultations privées effectuées en milieu hospitalier par les praticiens des établissements grâce à un système de dérogation. Plusieurs affaires ont éclaté durant les derniers mois avec des cas de praticiens conseillant fortement à leurs patients, une consultation privée en hôpital, présentée comme l’unique solution pour contourner les listes d’attente interminables.
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