LE DR IRÈNE FRACHON, la pneumologue de Brest dont les travaux ont contribué au retrait du marché du Mediator, était interrogée mercredi dernier par les membres de la mission parlementaire de l’Assemblée nationale présidée par le député socialiste Gérard Bapt. En préambule à son intervention, la pneumologue a insisté pour déclarer ses liens d’intérêt avec certains laboratoires pharmaceutiques, comme Pfizer, Lilly et GSK pour qui elle travaille ponctuellement comme « investigateur ». Elle a ensuite raconté sa vie professionnelle, et ses « premiers doutes » relatifs au Mediator.
Au début de l’année 2009, alors qu’elle travaille au CHU de Brest, Irène Frachon dispose de 15 cas de valvulopathies concomitantes à la prise de Mediator. Elle demande donc à être reçue par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Elle s’y rend en mai, expose son point de vue, et s’entend répondre qu’« on ne retire pas une AMM comme ça ». Début juillet, Irène Frachon est à nouveau reçue à l’AFSSAPS, cette fois par la commission nationale de pharmacovigilance. « Les représentants de Servier étaient présents, continue Irène Frachon, et ils ont dit que le Mediator était vendu depuis 30 ans et qu’il serait bien étonnant qu’on découvre des effets indésirables si longtemps après. » Gérard Bapt intervient : « La Suisse a pourtant retiré le Mediator dès 1997, pour sa seule ressemblance avec l’Isoméride. » Irène Frachon poursuit : « Au cours de cette réunion, il y avait un fort climat de suspicion à notre égard. Nous nous sommes sentis des étrangers. Le praticien qui vient avec son inquiétude est plus étranger à l’AFSSAPS que les laboratoires, qui sont dans cette commission comme chez eux. » À telle enseigne que des experts se présentant comme « le Dr X de l’université Y étaient en fait mandatés par Servier pour s’exprimer, mais nous ne le savions pas ». De son côté, le Pr Grégoire Le Gal, épidémiologiste à Brest, et qui a réalisé avec Irène Frachon une étude cas-témoins sur le Mediator, intervient : « Dans ces commissions, ça manque de politique. Les membres recherchent le consensus scientifique à tout prix, il n’y a personne pour dire ça suffit. »
Mais Irène Frachon va plus loin et assure qu’un expert travaillant à la fois pour la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et pour l’AFSSAPS avait expertisé l’étude cas-témoins, « l’avait jugée non valide et avait freiné sa parution ». Elle évoque aussi « des menaces » qu’elle aurait reçues, et des coups de fil qu’auraient passés des membres de l’AFSSAPS au CHU où elle travaille « pour voir s’il n’y aurait pas des moyens de m’interdire d’exercice ».
La mission parlementaire doit poursuivre ses travaux jusqu’au mois de juin, date à laquelle elle rendra public son rapport. Les prochaines personnes auditionnées, jeudi 3 février prochain, sont Aquilino Morelle, Anne-Carole Bensadon et Étienne Marie, auteurs du rapport de l’IGAS sur le Mediator. Au-delà, la mission établissant ses auditions semaine après semaine, aucun calendrier n’est disponible. Mais l’Assemblée nationale précise que tous les ministres de la Santé qui ont exercé des fonctions durant la période de mise sur le marché du Mediator seront entendus.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation