Le montant serait fixé à 35 milliards

La longue marche du grand emprunt

Publié le 16/11/2009
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Crédit photo : S TOUBON

C’EST DIRE que les deux anciens Premiers ministres chargés de définir les modalités de l’emprunt, Michel Rocard et Alain Juppé, s’efforcent de livrer un projet susceptible de rassembler toutes les opinions. Mais on est à peu près certain que l’idée, conçue par le conseiller du président, Henri Guaino, a été mise en minorité sur deux points essentiels : il est fort peu probable que les Français seront appelés à participer à l’emprunt, car le taux d’intérêt est trop bas pour eux et bon pour le gouvernement, qui ne souhaite pas assurer le succès de l’emprunt en payant un lourd loyer de l’argent ; en outre, le projet initial, un emprunt de quelque 80 à 100 milliards semble bel et bien abandonné, ce qui ne saurait réjouir M. Guaino, mais qui semble plus raisonnable.

Loin des critères de Maastricht.

Michel Rocard et Alain Juppé sont convaincus que l’emprunt est une bonne chose, sinon ils ne seraient pas en train de le fignoler. Cependant, même 35 milliards est une grosse somme, et on ne comprend pas bien la logique derrière ce nouvel endettement alors que la Commission européenne de Bruxelles met en demeure la France, mais aussi l’Allemagne à l’Italie à revenir au respect des critères de Maastricht en 2013. La France répond que ce sera en 2014, pas avant. Il est vrai que, compte tenu de la crise qui a balayé les critères comme fétus de paille, la délinquance est tellement généralisée qu’on ne voit plus très bien à quoi servent des règles européennes auxquelles personne ne peut plus se plier et qui semblent périmés. Ce qui nous renvoie au célèbre propos de Romani Prodi, l’ancien président de la Commission : « Les critères de Maastricht sont stupides ». Il n’avait pas tort. Les directives européennes ne sont appliquées qu’en temps de vaches grasses ; un kénésyianisme élémentaire oblige les États à laisser les filer les déficits en temps de crise. Même la vertueuse Allemagne l’a fait et si les membres de l’Union ne le faisaient pas, les conséquences sociales de la crise seraient non seulement dévastatrices, elles retarderaient la convalescence des économies. Lesquelles vont mieux, on le sait, et la France peut se targuer, après deux trimestres de croissance (0,3 %) d’avoir redressé sa situation plus vite que d’autres États-membres.

IL FAUT LAISSER LE POUVOIR ALLER AU BOUT DE SA LOGIQUE ÉCONOMIQUE

Ce n’est pas un mince succès, même si le redressement de notre économie est fragile, que nous ne sommes pas à l’abri d’une lubie des milieux financiers et que la mondialisation rend la France interdépendante de tous ses partenaires commerciaux. Mais au moins ne peut-on pas reprocher au pouvoir, accablé par les critiques, de n’avoir pas conduit son action avec intelligence. Souvenez-vous, le plan de relance de 26 milliards était trop ou pas assez, l’endettement et les déficits sont insupportables, nous courions à la catastrophe. Face aux abondantes critiques, le gouvernement a gardé son sang-froid et, puisqu’il ne faut jamais manquer une occasion de le mettre en cause quand il se trompe, il faut aussi avoir assez de fair play pour reconnaître qu’il a su faire feu de tout bois, qu’il a préféré l’endettement à la misère d’un très grand nombre, et qu’il s’est donné le temps nécessaire pour rétablir les comptes après avoir jeté des sommes énormes pour éteindre l’incendie. Le Premier ministre, François Fillon, auquel on ne fait jamais le moindre compliment, en est réduit à célébrer lui-même son succès relatif et la ministre de l’Économie qui, naguère, avait des problèmes sérieux de communication, est considérée aujourd’hui comme une Première ministrable.

Il y a un an, nous étions de l’avis qu’il faut laisser un gouvernement choisir un programme et l’appliquer. Le débat politique étant acrimonieux à souhait, nous estimons que, jusqu’à preuve du contraire, la France est sur la bonne voie et donc que la politique économique et financière du gouvernement est la bonne. Il faut placer le grand emprunt dans une perspective de long terme. Le plan de relance était la pompe à incendie ; l’emprunt pourrait être l’investissement à long terme qui nous permettra de donner, peut-être, une suite prospère au retour de la croissance. Oui, mais quand allons-nous réduire la dette ? Question lancinante, à n’en pas douter. Nous ne disons pas que Nicolas Sarkozy ne prend pas de risques. Nous disons seulement que, cette fois encore, il faut lui donner sa chance parce qu’il ressort du débat que l’emprunt peut avoir des effets positifs à long terme, même s’il alourdit la dette.

› RICHARD LISCIA

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr