CE QUI OPPOSE les Cingalais aux Tamouls ne date pas d’hier. Avant l’indépendance de l’île en 1948, les deux communautés avaient un rapport profondément conflictuel. En 1956, le gouvernement de S.W.R.D. Bandaranaike a fait du cingalais la seule langue officielle. Ce fut le point de départ d’une série d’affrontements violents qui ont culminé en guerre civile en 1983, bien que, six ans plus tôt, Colombo reconnnût enfin le tamoul comme seconde langue. On observe, dans cette île, autrefois appelée Ceylan, et qui devrait être un paradis (ce qui n’a pas échappé aux nombreux touristes), le comportement classique d’une majorité qui s’efforce, par tous les moyens, d’imposer sa volonté à la minorité. Au Sri Lanka, les Tamouls en ont conçu une telle amertume qu’ils ont opté pour l’irrédentisme. La violence des Tigres tamouls, représentés par leur parti politique, le LTTE, est difficile à décrire. Non seulement, ils ont commis de sanglants attentats, mais pendant 26 ans de guerre civile, ils ont à plusieurs reprises menacé le pouvoir central, en remportant de brèves mais grandes victoires contre l’armée. Ils étaient même parvenus à contrôler le nord du pays et réaliser une scission de facto de l’île.
L’assassinat de Rajiv Gandhi.
Quand l’Inde, qui leur fétait plutôt favorable (il a des Tamouls dans le sud), décida que les insurgés devenaient incontrôlables, elle engagea son armée pour rétablir l’ordre dans l’île. Le LTTE n’hésita pas à assassiner le Premier ministre indien, Rajiv Gandhi, en mai 1991. L’Inde retira ses troupes et le pouvoir cingalais fut livré à lui-même. Il ne fait pas de doute que l’intransigeance absolue des Tigres a entraîné une intolérance comparable du pouvoir cingalais qui, après tant d’années de violence, refuse maintenant toute solution négociée. La guerre civile aurait fait au moins 100 000 morts depuis 1972. Colombo veut en finir. Et en finir, cela semble signifier que les Tamouls vaincus n’ont plus qu’à se soumettre ou mourir. On ne peut donc qu’approuver la mission Kouchner-Miliband qui n’a pas d’objectif politique et essaie de protéger les civils pris en tenailles entre les insurgés et les forces cingalaises.
Toutefois, on doit en même temps se demander si le LTTE a su concevoir et appliquer une politique cohérente et efficace. Si, par exemple, il était logique de couper l’île en deux pour que les Tamouls exercent leur souveraineté sur une partie du territoire ; si une extrême violence, capable d’atteindre le pouvoir indien, n’a pas rendu le LTTE insupportable à la communauté internationale. À Paris, il y a eu, en avril, deux manifestations organisées par des immigrés tamouls. La première fut extrêmement violente et beaucoup de nos policiers furent blessés ; la seconde fut plus pacifique, comme si les Tamouls avaient réalisé que leur cause ne risquait pas d’obtenir la sympathie des Français si elle se traduisait par de tels désordres, dans un pays qui, au demeurant, n’est nullement partie prenante dans un conflit historique qui oppose deux peuples sur la même terre.
On espère qu’au terme d’une guerre qu’il aura gagnée, le pouvoir du Sri Lanka saura se montrer assez généreux pour mettre le calme revenu au service de l’épanouissement des Tamouls dans le cadre d’un système politique qui leur accorde une autonomie. Mais on craint en même temps que la guerre civile laisse de profondes séquelles et que la méfiance réciproque des deux communautés se traduise par la domination de l’une par l’autre.
Le choix de s’indigner ou non.
Ce qui nous renvoie à divers conflits du même type à travers le monde. Il faut observer que, depuis la fin de l’intervention malheureuse de l’Inde, on a laissé Cingalais et Tamouls régler leurs comptes, les terribles attentats commis par ceux-ci ne soulevant pas plus d’émotion dans le monde que la cruelle victoire remportée par ceux-là. Il n’est pas inutile de le rappeler parce que l’opinion publique, en France ou ailleurs, réserve son indignation à certains conflits minutieusement sélectionnés et ignorent tous les autres. Si le Darfour, où se poursuit la guerre que Khartoum livre, dans des conditions atroces, à des populations innocentes, ne soulève guère d’émotion en Europe, la récente bataille de Gaza a déclenché contre Israël un torrent d’imprécations gorgées d’antisémitisme. Personne ne demande à un observateur d’exonérer l’État juif des exactions qu’il est conduit à commettre. Mais peut-être faut-il mettre en rapport les 1 300 morts de Gaza et les 200 000 morts du Darfour qui ont certes valu au président soudanais d’être poursuivi par le Tribunal pénal international pour crimes contre l’humanité, mais ne l’empêchent guère de rester au pouvoir et de se déplacer à l’étranger en toute impunité. Et peut-être aussi faudrait-il que le Hamas qui, comme le LTTE, ne connaît que la violence, examine de près le cas du Sri Lanka.
Un camp de réfugiés au Sri Lanka
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