CHAMPIONNE D’EUROPE de la consommation de somnifères, la France affiche un niveau d’usage particulièrement élevé chez les plus de 65 ans. Près d’un tiers d’entre eux (27,4 %), soit environ 3,5 millions de personnes est exposé de manière chronique aux benzodiazépines et médicaments apparentés. Or, dans plus de la moitié des cas, ces traitements ne seraient pas indiqués, souligne la Haute Autorité de santé (HAS) qui relance une campagne de sensibilisation à destination du grand public et des professionnels de santé, médecins et pharmaciens. Malgré de précédentes recommandations publiées en 2006 par la HAS afin de diminuer les prescriptions inappropriées de somnifères, « la situation n’a que très peu évolué », constate le Pr Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité. « La prise de somnifères n’est pourtant pas un geste anodin et peut engendrer de nombreuses complications : accoutumance, troubles de la mémoire ou de l’attention, risques de chute ou d’accident lors de la conduite », poursuit-il.
Des professionnels en difficulté.
« On n’arrive pas à diminuer les surprescriptions de psychotropes », indique Dr Michel Legmann, président du Conseil National de l’Ordre des Médecins qui évoque les récentes conclusions de la CNAM sur l’échec du P4P dans ce domaine (- 0,5 % de benzodiazépines prescrites entre décembre 2011 et juin 2012 contre une baisse attendue de 5 %). « Se pose ici la question de la consultation du médecin généraliste, qui peut-être ne dispose pas du temps nécessaire pour procéder à un interrogatoire du patient suffisamment approfondi », considère le président du CNOM. Face aux difficultés rencontrées par les professionnels de santé pour freiner la surconsommation de psychotropes, le Pr François Chast, représentant du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens évoque, lui, la responsabilité des industriels.
En repartant en campagne, la HAS entend rappeler aux médecins, pharmaciens et patients que la prescription et le renouvellement de somnifères ne doivent pas être systématiques et demeurent indiqués uniquement dans les cas de troubles sévères du sommeil dans les insomnies occasionnelles ou transitoires et ce, pour de courtes périodes allant de quelques jours à quatre semaines maximum. « La prescription de somnifères, ce n’est pas un CDI mais un CDD », martèle le Dr Armelle Leperre-Desplanques, responsable du service des programmes pilotes à la HAS.
Le sentiment de mal dormir pousse de nombreuses personnes âgées à se plaindre d’insomnie auprès de leur médecin sans que cela en soit véritablement une. « Seulement 10 à 20 % des troubles du sommeil en population générale seraient de vraies insomnies », indique la HAS. « Le sommeil de la personne âgée est un sommeil plus fractionné » qui se répartit sur l’ensemble de la journée, explique le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du réseau Morphée. « Le sentiment global va être un sommeil plus léger, moins reposant, moins récupérateur », résume le Dr Royant-Parola. Face à des plaintes chroniques du sommeil, le médecin doit rechercher des signes associés : douleurs, anxiété, dépression, problèmes urinaires, apnée du sommeil… « Devant une plainte récente, il faut rechercher un événement qui va perturber le sommeil », conseille le Dr Leperre-Desplanques.
Deprescription.
« Parfois il est évident, la personne peut avoir perdu quelqu’un de sa famille et va vous en parler spontanément en tant que médecin. Parfois, il faut aussi savoir poser les questions. Cela peut être la disparition d’un animal de compagnie ou le départ d’un voisin en vacances qui laisse la personne anxieuse », poursuit-elle. Si le patient a de vrais problèmes de sommeil, le médecin pourra notamment s’appuyer sur plusieurs outils pratiques mis au point par la HAS, disponibles sur son site Internet (www.has-sante.fr) : un agenda du sommeil, des arbres décisionnels ou une fiche de conseils pour bien dormir. Devant toute prescription de benzodiazépine de plus d’un mois, il faut se poser la question de la déprescription. « C’est possible sans substitution médicamenteuse et sans effets secondaires », assure le Dr Leperre-Desplanques. « À condition de mener une stratégie d’arrêt adaptée au patient car chacun a une habitude différente vis-à-vis de ces médicaments ». La HAS met à disposition des praticiens une fiche synthèse sur les modalités d’arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez le sujet âgé.
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