Une étude publiée dans « Population et Sociétés » de l’Institut national d’études démographiques (INED) montre que les idéaux corporels sont très variables d’une région à l’autre. « La valorisation de la minceur est plus ou moins forte selon les pays, et peut s’imposer davantage à l’un ou l’autre sexe », soulignent Delphine Robineau* et Thibaut de Saint Pol**, les auteurs qui se sont appuyés sur les données 2007 du programme d’enquêtes sociales (International Social Survey Programme - ISSP) annuelles. Cette année-là des questions optionnelles sur le corps ont été posées dans 13 pays sur 4 continents à 20 000 personnes.
L’analyse a permis de distinguer quatre groupes de pays : ceux comme la France, où la pression de la minceur est plus forte sur les femmes que sur les hommes. Des pays comme l’Uruguay où la minceur est davantage un idéal pour les hommes, une corpulence plus élevée étant préférée pour les femmes. Des pays où la minceur est peu valorisée pour les deux sexes comme l’Irlande. Enfin, la Corée du Sud, où la pression de la minceur est très forte sur les hommes comme sur les femmes.
Écart hommes/femmes
La France partage le même idéal que des pays comme la Slovaquie, la Bulgarie, Israël et les Philippines mais « occupe une position singulière », soulignent les auteurs. Tandis que la minceur est peu appréciée pour les hommes (37 %), elle l’est beaucoup plus pour les femmes (53 %) ; à l’inverse, l’image de l’homme corpulent fait relativement consensus (62 % des individus choisissent la silhouette corpulente) alors que la minceur est davantage valorisée pour la femme (52 % des individus choisissent la silhouette mince). L’écart entre hommes et femmes est « considérable ». « C’est le pays où les différences relatives entre les idéaux féminins et masculins sont les plus marquées », notent les auteurs.
À l’inverse de la France, un pays comme l’Uruguay, valorise une forte corpulence pour la femme (52 %) alors que la minceur est préférée pour l’homme (62 %). En Irlande, la corpulence est plébiscitée pour les hommes et pour les femmes (56 et 54 %) alors qu’en Corée du Sud, elle est rejetée : 69 % font le choix de la silhouette mince pour l’homme et 70 % pour la femme (une proportion qui passe à 80 et 81 % si l’on considère l’idéal mince et très mince). Dans le cas de la Corée, cet idéal correspond à un IMC moyen très faible pour les deux sexes (21,8 et 23,3).
Régimes et dérèglements alimentaires
L’écart entre corps désirable et corps réel influe sur les comportements. « Dans un contexte social où les individus apparaissent responsables, voire coupables, de leur corpulence, l’insatisfaction qui en résulte quant à leur poids peut avoir des conséquences en termes de comportements, pouvant conduire à des régimes amaigrissants ou même à des dérèglements alimentaires », constatent les auteurs. La France est, après la Corée, le pays où la volonté de perdre du poids est la plus fréquente : 6 Françaises sur 10 déclarent vouloir perdre du poids alors qu’elles sont en Europe, celles qui ont l’IMC moyen le plus faible, avec les Italiennes.
« La représentation du corps est une dimension à prendre en compte quand on parle de santé dans notre société. Parfois, on parle de régime, de santé, alors que ce n’est qu’une question d’apparence », conclut Thibault de Saint Pol, en mettant en garde contre la « culpabilisation » de ceux dont le corps n’est pas conforme aux canons en vigueur.
* École nationale de la statistique et de l’administration économique.
** Laboratoire de sociologie quantitative (CREST), École normale supérieure de Cachan (IDHE).
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