EN MARGE des 8e journées « expertises et polémiques en gynécologie obstétrique, santé publique et santé des femmes » proposées par le CHU et l’université de Nantes, l’association Gynécologie sans frontières et le collège national des gynécologues - obstétriciens français, le département de la formation continue et l’unité de gynécologie-obstétrique médico-psycho-sociale (UGOMPS) de l’hôpital de la ville ont organisé jeudi 6 juin une conférence : « Pour une approche des soins interculturels : regards sur la maternité des femmes en exil », animée par le Pr Tobie Nathan, ethnologue et psychanalyste.
Devant un amphithéâtre plein à craquer, ce spécialiste a su manier humour et connaissances passionnantes pour capter son auditoire. Un exercice salutaire tant il permet a priori de répondre (du moins à commencer à y répondre) aux difficultés que les professionnels peuvent rencontrer face à certaines populations, tant dans l’explication des démarches médicales proposées que dans le suivi et la compliance aux traitements. « Malgré les capacités d’adaptation et d’intégration de l’Homme aux normes du pays d’accueil, lorsqu’il tombe malade, ce dernier réactive des logiques de pensées culturellement codées afin de dépasser les angoisses liées à son état », peut-on lire dans l’introduction à cette conférence.
Les pratiques observées chez les femmes migrantes, primo-arrivantes ou patients ayant migré depuis de longues années, peuvent éclairer ce sujet. « Les femmes étrangères qui accouchent ici peuvent entendre les arguments "savants" des professionnels, mais ils sont en contradiction avec d’autres "explications" tout aussi savantes, a notamment souligné le Pr Nathan. Ces femmes savent qu’un être humain est fabriqué d’une autre manière que celle que nous pouvons mettre en avant. Elles veulent un enfant - caméléon par exemple, et nous leur proposons un enfant que j’appelle "biocrate". Pour ces femmes, une femme ne peut être enceinte que si elle est fécondée par une sorte de génie au moment même de l’accouplement. Dans nos pays occidentaux, nous avons délégué ce pouvoir de fabrication des êtres à un tiers qui intervient, pas symbolique, mais physique : les docteurs ! »
Rôle du placenta et du prénom.
Ce que cet ethnologue et psychanalyste nomme la « fabrication culturelle d’un petit homme », non réductible à une opération biologique, prend corps non seulement au moment de l’accouplement mais aussi dans le rôle attribué au placenta ou au prénom.
« Dans la plupart des pays, on enterre le placenta, a-t-il expliqué. Le placenta évolue, change de forme, selon un logiciel de modification. Il faut donc le mettre vite à l’abri pour l’empêcher de poursuivre son évolution. On associe au placenta des parties du lange, d’autres substances, des paroles, et c’est tout cela qu’on enterre pour que l’enfant social, culturel, se développe. Si quelqu’un a le placenta d’une autre personne, il peut faire n’importe quoi de cette personne. »
S’appuyant sur de nombreux exemples, le spécialiste a souligné enfin que contrairement à nos sociétés, dans nombre de pays africains qu’il connaît parfaitement, un prénom n’est pas choisi. « On va trouver son nom, à travers le désordre qu’il a produit - et c’est toujours le cas - dans le monde en arrivant. C’est très important dans l’identification de l’être qui arrive : on ne lui invente pas un nom, il a déjà un nom. Pour savoir qui il est, on interroge les événements du monde, son être est visible à travers ces remous... »
Pour Tobie Nathan, les malentendus que les professionnels rencontrent avec ces femmes ne sont pas liés à de vieilles croyances auxquelles elles s’accrochent. « Nous devons les discuter et les laisser nous interroger, cela ne nous rendra que plus créatifs... »
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