L’HISTOIRE COMMENCE dans les années 1990 dans l’Yonne. Cinq jeunes femmes, handicapées mentales, sont employées dans un centre d’aide par le travail (CAT). Entre 1995 et 1998 elles subissent à leur insu une ligature des trompes, dans un but contraceptif. Pierre Derymacker a porté plainte en leur nom en 2000. « On a dit à ces femmes qu’on les opérait de l’appendicite alors qu’on les stérilisait », accuse le vice-président de l’Association de défense des handicapées de l’Yonne (ADHY). En 2006 le tribunal de première instance prononce un non-lieu, qui sera confirmé en 2007 par la cour d’appel de Paris. La juridiction estime qu’il n’y a pas de preuve d’une politique eugéniste au sein du CAT et souligne que les stérilisations ne sont pas irréversibles. « La préoccupation du consentement est récente », rappelle le Pr Israël Nisand. « La bioéthique a commencé en 1947. » Pour leur avocate, Me Corinne Herrmann, ces pratiques relèvent plus de considérations économiques que de visées eugénistes. « Il est plus compliqué et plus cher de distribuer des pilules contraceptives et de s’assurer qu’elles sont bien prises. Et en cas de grossesse, l’absence au travail a un coût », explique-t-elle. Après le rejet du pourvoi en cassation, les plaignantes se sont tournées vers la justice européenne. L’affaire a déjà passé plusieurs filtres et approche de son terme. « Il est évident que la Cour rendra une décision sur ce sujet qui est considéré comme important », a expliqué un porte-parole de la juridiction. Il est reproché à la France d’avoir failli à son obligation de contrôle du CAT et de n’avoir pas garanti le droit de ces femmes à une vie familiale et à un procès équitable.
Une pratique encadrée.
« Ce recours va être un bon moyen de rappeler qu’une personne handicapée est une personne », se réjouit Christel Prado, directrice de l’UNAPEI, (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis). « Un recours tel que celui-ci permet de créer la discussion et de faire bouger les choses. La parentalité des personnes handicapées est un sujet difficile. »
« Depuis 2001 une loi en France interdit de faire ce genre de choses, reprend le Pr Nisand. Avant 2001 il était très fréquent qu’on stérilise les jeunes femmes sans leur consentement. Aujourd’hui la loi est appliquée très méticuleusement, je le vois dans ma région. » Selon le professeur les stérilisations ne sont pas très fréquentes, car il existe beaucoup d’autres solutions et qu’elles sont privilégiées. La loi du 4 juillet 2001 confie la décision d’une telle intervention au juge des tutelles. Le principe est celui de l’interdiction, sauf s’il existe « une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement. » La personne concernée est entendue ainsi que ses proches et un comité d’experts. « L’information qui nous remonte est que ce comité d’experts, qui est constitué par les préfets de région, est peu souvent consulté », souligne Thierry Nouvel, directeur général de l’UNAPEI. Pour Christel Prado, la première mesure et la plus importante est l’éducation à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées. « Mais si une personne handicapée n’est pas en mesure d’exprimer son consentement, que le juge puisse, avec un comité, décider de la stérilisation me semble être quelque chose de sain », explique-t-elle.
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