L’hôpital, le cabinet libéral, le domicile du patient, la rue, autant de lieux où les médecins, tout comme les autres professionnels de santé, subissent des incivilités, de la violence verbale [1] et physique parfois dramatique.
Le monde de la santé n’échappe pas à un fait de société qui touche en réalité toute profession rendant un service à nos concitoyens – santé, école, police, justice, administration, aviation, etc. – et que les professionnels de santé traduisent souvent en des termes qui leurs sont typiques : « Intolérance à la frustration +++ ». Cette « frustration » est en réalité une réaction plus ou moins violente à une contrariété que la personne ne peut pas supporter sur fond d’impatience dans le contexte culturel du « tout, tout de suite », du « j’ai droit à » et du « moi d’abord ».
Pas toujours des personnes marginales
La réaction est aggravée dans le domaine de la santé lorsque le patient est sous l’emprise de l’alcool, de médicaments, de produits stupéfiants, rendant particulièrement difficiles la protection et la sécurité du soignant. Toutefois, ce ne sont pas que des personnes marginales ou dans un état second qui sont auteurs de ces violences, mais aussi n’importe quel citoyen, parfois inquiet, stressé ou souffrant. D’une façon générale, les relations entre les médecins et les patients et/ou leurs accompagnants peuvent dégénérer en un trait de temps à la suite d’un différend, voire d’une simple incompréhension, détériorant ainsi le caractère équilibré du lien thérapeutique et de la relation de confiance qui affectent de facto la qualité des soins.
Pour les personnels touchés, ces incivilités et violences produisent : lassitude, incompréhension, démotivation, stress et mal-être, pouvant provoquer un départ de l’hôpital ou une fermeture du cabinet médical. Il convient donc d’aider les médecins et l’ensemble des professionnels de santé à pouvoir exercer leur métier dans des conditions de travail sereines, gages de qualité et de sécurité des soins, en leur proposant des solutions concrètes et concertées.
La prévention primaire est essentielle
Premièrement, il est primordial que les médecins se préparent à être confrontés à cette violence. On parlera de prévention primaire. L’ONVS préconise ainsi le suivi systématique d’une formation à la gestion de l’agressivité verbale et physique. Bon nombre d’hôpitaux se sont lancés dans cette formation avec des effets positifs (satisfaction d’avoir su régler une situation de violence ; moins de détresse psychologique ; moins d’appréhension face à de futures situations de violence). Parallèlement, une formation à une meilleure communication apparaît complémentaire car l’incompréhension par les patients et accompagnants est aussi source de violences.
Dans le secteur libéral, ces formations pourraient être organisées, par exemple, dans le cadre des unions régionales des professionnels de santé (URPS) : des cabinets pluri disciplinaires fonctionnent, prouvant ainsi qu’une collaboration entre professionnels est possible et même souhaitable.
Des outils que les professionnels doivent s'approprier
Deuxièmement, l’ONT milite pour que les outils mis à disposition des professionnels de santé soient pleinement utilisés (il constate un défaut patent d’information à ce sujet). Ces outils sont de trois sortes.
1- Le dépôt de plainte. Le code pénal réprime spécifiquement les menaces d’atteintes aux personnes et aux biens commises contre des professionnels de santé ou leur famille, aggrave toutes les peines d’atteintes à leur personne, réprime les outrages contre une personne chargée d’une mission de service public. D’autres dispositions légales, non spécifiques aux personnels de santé, permettent aussi de réprimer certains comportements (harcèlements, etc.) et de les rétablir dans leurs droits et leur dignité. Enfin, les ordres professionnels de santé peuvent se constituer partie civile en cas de menaces ou de violences commises contre un de leur membre. Malgré ces dispositions, les parquets constatent peu de dépôts de plainte par les professionnels de santé.
2- Les conventions « santé-sécurité-justice [2] », en lien avec la police, la gendarmerie, la préfecture et le parquet produisent des fruits positifs quand les acteurs locaux s’engagent dans des relations étroites générant alors confiance réciproque et travail de concert. Dans le cadre libéral, une action collective des professionnels de santé pourrait être envisagée à l’occasion d’une signature. Ces conventions prévoient de régler les relations quotidiennes, mais aussi de nombreux conseils avec des référents désignés, un suivi des plaintes, des procédures d’appel en urgence et tout ce qui peut jaillir d’une collaboration fructueuse et inventive, comme cela se fait déjà dans certains départements.
3- Les conseils délivrés, notamment pour le secteur libéral. Enfin, le ministère de l’intérieur avec ses fiches réflexes et le ministère des solidarités et de la santé avec son guide ONVS sur « La prévention des atteintes aux personnes et aux biens en milieu de santé », apportent une série de conseils avisés (protection du cabinet, sécurité des déplacements, caméras, etc.) permettant aux professionnels de santé d’être bien épaulés dans cette sécurisation d’eux-mêmes et de leur outil de travail.
Une collaboration au niveau local entre les professionnels de santé, la justice et la police, emprunte de confiance mutuelle, est donc le gage de la réussite pour prévenir et lutter contre ce fait de société.
Plus d’informations sur le site internet du ministère des solidarités et de la santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/
Contact : dgos-onvs@sante.gouv.fr
[1] Le Rapport 2018 (données 2017) de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) cite quelques exemples : « je vais te crever », « je vais te saigner », « tu vas souffrir, tu vas payer »,« je t'égorgerai et te tuerai toi et ta famille ». Plus d’établissements ont signalé des faits d’atteintes aux personnes et aux biens à l’ONVS en 2017, (22 048, soit + 25,3%), signe d’une prise de conscience pour lutter contre ce fait de société.https://solidarites sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_onvs_rapport_2018_donnees_2017_2.pdf
[2] Fiches réflexes et Guide ONVS : https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/ameliorer-les-conditio…
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