La candidature de Marine Le Pen

Imposture économique

Publié le 17/01/2012
Article réservé aux abonnés
1326766468314837_IMG_75418_HR.jpg

1326766468314837_IMG_75418_HR.jpg
Crédit photo : AFP

LE MÉRITE incontestable de Marine Le Pen, pour autant que l’on puisse souhaiter une victoire électorale du Front national, c’est d’avoir sorti son parti de l’ostracisme dans lequel le confinaient la gauche et la droite parlementaire. Il y a ceux qui, à juste titre, la trouvent plus sympathique que son père ; ceux qui notent froidement la progression du FN dans les sondages grâce à ses discours et à son charisme ; et ceux qui, après avoir estimé que Nicolas Sarkozy n’était que la copie conforme de l’extrême droite et préféré l’original, ne s’étonnent plus de ce que, à son tour, Mme Le Pen devienne la copie de Sarkozy. Bien entendu, ni l’une ni l’autre de ces deux comparaisons n’est vraie, même si les efforts incessants de Claude Guéant pour assouvir l’intolérance conjoncturelle d’une partie désorientée du peuple sont quotidiens: il n’y a en réalité aucun rapport entre le sarkozysme, en dépit de sa confusion et de ses contradictions, et un FN triomphant qui, s’il parvenait au pouvoir, infligerait au pays une expérience tellement douloureuse qu’elle ne durerait pas très longtemps.

Tous les salaires augmentés.

Marine Le Pen, dans son désir de nous asséner ce qu’elle présente comme ses quatre vérités, nous a offert la semaine dernière un plan dont on peut dire avec certitude qu’il ruinerait la France, si tant est qu’elle puisse s’affaiblir davantage. Certes, la candidate chiffre chacun de ses projets, mais il saute aux yeux que leur financement, pourtant dûment calculé, ne sera pas assuré. Premier exemple : elle augmente de 200 euros par mois tous les salaires inférieurs à 1,4 fois le SMIC. L’État, nous dit-elle, prendrait en charge l’exonération des charges sociales sur les bas salaires et le financement de la mesure serait assuré par une taxe de 3 % sur tous les biens et services importés. Y compris ceux qui viennent de l’Union européenne ? Elle ne semble pas voir que, si nous imposons une taxe sur les importations, nos partenaires commerciaux s’empresseraient de nous imiter, ce qui mettraint sur la paille beaucoup de nos entreprises. Première règle économique : les salaires sont bas parce qu’un coût de production trop élevé détruit des emplois. Même la consommation intérieure ne suivrait pas une hausse des prix excessive. Voilà donc une mesure qui accroîtrait un chômage déjà accablant.

POURQUOI AUCUN GOUVERNEMENT NE S’EST-IL BAISSÉ POUR RAMASSER CES MILLIARDS QUI TRAÎNENT  ?

Le Front national propose de réduire la contribution de la France au budget européen, le retour à la monnaie nationale qui, par extraordinaire, rapporterait 87 milliards (alors qu’en réalité, il accroîtrait de façon insupportable le service de la dette), la lutte contre la fraude sociale et fiscale, qui produirait 67 milliards. Vœux pieux et chiffrage non démontré. Curieusement, Mme Le Pen estime que ses mesures protectionnistes nous feraient gagner 115 milliards d’euros, alors que n’importe quel économiste vous dira que, loin d’en rapporter, elles coûteraient de l’argent. Encore plus surprenant : la lutte contre l’immigration clandestine présenterait un avantage économique : elle nous rapporterait 500 millions par an, on ne sait pourquoi. Sans doute Mme Le Pen croit-elle encore que les immigrés coûtent plus cher à la Sécurité sociale que les cotisations qu’ils versent, ce qui n’a jamais été prouvé. Et que dans un pays où un demi-million d’emplois qualifiés ne trouvent pas preneur, il faut surtout ne pas les pourvoir. De même, la suppression des allocations familiales aux étrangers, mesure inique s’il en est, nous ferait économiser 18 milliards d’euros, ce qui est loin d’être prouvé.

À lire ce projet tout à fait « révolutionnaire », on se demande pourquoi personne ne l’a encore appliqué, pourquoi aucun gouvernement à ce jour ne s’est empressé de se baisser pour ramasser tous ces milliards qui traînent à nos pieds. Mme Le Pen n’est pas seulement dangereuse parce que, contrairement à ce que disent certains de ses admirateurs, elle serait moins raciste que son père ou se serait transformée en version light de l’intolérance ; elle l’est aussi parce que, en dépit de la très grande assurance que de bons sondages lui ont apportée, elle ne semble pas avoir les compétences requises pour gouverner. On ne sait pas vraiment qui, de Jean-Luc Mélenchon ou de Mme Le Pen, imite l’autre dans la parodie programmatique. Mais une chose est sûre : si brièvement qu’ils resteraient au pouvoir, ils auraient le temps de démolir le pays.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9067