Tribune libre
MALGRÉ de nombreuses campagnes de sensibilisation à la prévention, les fistules vésico-vaginales demeurent fréquentes en Afrique de l’Ouest. Du moins là où l’accès aux soins obstétricaux d’urgence est limité et où existent des facteurs favorisants, comme les grossesses précoces, la malnutrition et la pauvreté.
Dans les pays industrialisés, on ne sait plus ce que représente cette pathologie d’un autre âge. Mais plus de deux millions de femmes en souffrent dans le monde et des dizaines de milliers de nouvelles victimes viennent chaque année s’y ajouter.
Le meilleur traitement serait évidemment la prise en charge des accouchements à risque, avec un accès élargi aux soins obstétricaux. Mais quand les lésions sont constituées, la jeune femme souffre d’incontinence urinaire et parfois digestive et se trouve stigmatisée à vie. Le seul traitement est alors chirurgical. C’est une chirurgie difficile, que seuls quelques urologues ou gynécologues, militaires ou anciens coopérants, pratiquent. Ils apportent depuis des années leur savoir faire dans le cadre de programmes d’aide mis en place par différentes ONG européennes, comme l’AFOA, Gefmer, Gynéco sans Frontières, MDM, MSF.
À l’initiative d’une ONG française d’aide au développement, Équilibres & Populations, ils confrontent chaque année leur expérience lors de sessions conjointes dans leurs congrès respectifs. Cette année, c’est le Collège national de gynéco-obstétrique qui les accueille. De même, ils se sont constitués en réseaux pour organiser des missions de chirurgie réparatrice sur le terrain. Quelques dizaines de fistules sont opérées dans chacune de ces missions, avec un taux de succès qui varie selon la gravité des lésions et la qualité des soins post-opératoires. Plus du tiers des cas sont des fistules compliquées qu’il sera nécessaire de reprendre après la première intervention. Au total, plus de 400 interventions par an sont pratiquées par le réseau.
Au regard du nombre de cas estimés en Afrique, ces interventions ne représentent qu’une goutte d’eau. Mais chaque mission est accueillie par une structure établie dans le pays et dévolue à la santé maternelle et infantile et à la santé de la procréation. C’est alors l’occasion de renforcer les compétences des chirurgiens locaux et d’appuyer la démarche des travailleurs sociaux chargés des campagnes d’information dans les communautés villageoises. Dans le cadre de programmes de réduction de la mortalité maternelle et néonatale, Médecins du Monde-France a lancé il y a trois ans un projet de lutte contre la fistule obstétricale avec le soutien d’agences onusiennes et de la Coopération suisse. Pour implanter son projet, MDM a choisi le Tchad, dont les indicateurs en santé maternelle et infantile sont alarmants, en particulier dans la région du Kanem, au Nord-Ouest de la capitale, où les soins obstétricaux d’urgence sont peu accessibles ou sous-utilisés et où les fistules obstétricales sont fréquentes.
Prévention, réparation, réinsertion.
La plupart des programmes de lutte contre la fistule menés en Afrique interviennent à la fois sur la prévention, la réparation chirurgicale et, troisième volet, la réinsertion sociale de la jeune opérée. Au Kanem, les victimes de fistules obstétricales semblent moins ostracisées par leur famille ou par la société que dans d’autres régions d’Afrique. Mais le volet social demeure, avec notamment l’objectif de faire accéder ces femmes à plus d’autonomie financière.
Les transports dans des zones semi-désertiques comme le Kanem restent un des grands problèmes à résoudre. En revanche, deux points positifs augurent bien de l’avenir du projet de MDM : la diffusion des téléphones portables dans les villages, et l’attention des villageois aux propos des travailleurs sociaux. Autant de facteurs favorables à des changements de comportements indispensables : espacement des naissances, recul de l’âge du mariage et recours par tous les moyens de transport possibles aux consultations prénatales dans les centres de santé.
* Présidente d’Équilibres & Populations (www.equipop.org).
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