Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), présidé par Jean-Claude Ameisen, a rendu public ce lundi l’avis 121 sur la « fin de vie, l’autonomie de la personne, et la volonté de mourir », en réponse à la saisine de François Hollande en décembre 2012. À la suite des conclusions de la commission de réflexion du Pr Didier Sicard, le président de la République avait demandé au CCNE de se pencher sur les directives anticipées, la dignité des derniers moments de vie d’une personne, et l’assistance au suicide.
Après trois avis sur l’accompagnement de la fin de la vie et l’euthanasie en 1991, 1998 et 2000, l’avis numéro 121 témoigne d’une volonté d’ouvrir le débat en éclaircissant les termes. En outre, il intègre une « réflexion autre » signée par 8 membres du CCNE (dont les médecins Yves Agid et Joëlle Belaïsch-Allart) en raison d’une divergence apparue sur l’euthanasie et l’assistance au suicide. « Nous avons voulu maintenir les questions complexes à l’état de question, sans les caricaturer », a expliqué le Pr Régis Aubry, chef du département douleur – soins palliatifs du CHU de Besançon, et président de l’Observatoire de la fin de vie.
Unanimité sur la place du malade
Les membres du CCNE formulent à l’unanimité toute une série de préconisations déjà évoquées par la mission Sicard (pour laquelle les Pr Aubry et Ameisen ont été sollicités, le second s’abstenant en raison de sa nomination à la présidence du CCNE). Ils affirment ainsi la nécessité de faire cesser toutes les situations d’indignité qui entourent la fin de vie, et l’urgence de développer l’accès aux soins palliatifs, notamment à domicile. Le comité recommande la formation de tous les médecins et professionnels de santé aux soins palliatifs, et à l’écoute et au dialogue.
Pour mieux prendre en compte les droits de la personne en fin de vie, le comité plaide pour un élargissement du processus de délibération collective au malade (même si sa volonté est altérée) et à ses proches et non plus seulement aux experts. Ce processus vaut pour toute décision de mise en œuvre d’une sédation, et pas uniquement lorsque la personne ne peut s’exprimer.
Droit à une sédation profonde
Le comité demande de rendre opposables aux professionnels de santé les directives anticipées, rédigées après l’annonce d’une pathologie, avec l’aide du médecin traitant. « Aujourd’hui, ces directives sont malmenées car pas obligatoires. Il faut que ce qu’une personne couche par écrit soit pris en compte sauf dans quelques circonstances », explique le Pr Aubry. Certaines urgences, des témoignages de la personne de confiance en faveur d’un changement d’avis, ou des avancées de la science qui les rendraient caduques seraient les seuls cas où les directives anticipées pourraient n’être pas respectées.
Le CCNE suggère enfin que soit défini un droit des individus à une sédation profonde, continue ou intermittente, en phase terminale, jusqu’à la fin de la vie, lorsque les traitements, voire l’alimentation et l’hydratation, ont été arrêtés à sa demande. « La visée principale est d’altérer la vigilance voire la conscience de la personne pour rendre plus supportable la souffrance. Nous ajoutons qu’une souffrance de nature existentielle peut amener une personne à vouloir être endormie jusqu’à la fin de sa vie », précise le Pr Aubry.
Désaccord sur l’assistance au suicide
La majorité du comité reste prudente sur l’assistance au suicide (aider une personne à se donner la mort) et l’euthanasie (ou suicide assisté, donner la mort à quelqu’un à sa demande) et rejette toute légalisation, au nom du maintien de la distinction entre laisser mourir et faire mourir. Le CCNE recommande de faire toute la lumière sur des situations limites auxquelles ni les soins palliatifs ni la sédation profonde ne répondraient.
Sur ce point, des voix divergentes se sont fait entendre. Deux contributions alternatives, celle du généticien Patrick Gaudray et celle du juriste Michel Roux qui vont dans le sens d’une légalisation de l’euthanasie, ont reçu le soutien de 8 des 39 membres* du CCNE. « On ne peut pas dire que la limite entre laisser et faire mourir est ici ou là. La loi sur le droit des malades de 2002 puis celle sur la fin de vie de Jean Leonetti en 2005 a déjà franchi cette limite en admettant qu’on puisse débrancher un appareil vital. Le suicide assisté est pour moi un acte d’euthanasie, il ne faut pas avoir peur des termes », argumente Patrick Gaudray.
Vers des états généraux
Le CCNE demande l’ouverture d’un débat public sous forme d’états généraux dès l’automne comme le prévoit la loi de bioéthique de 2011, et s’engage à publier une réflexion après cet échange. « Il ne faut pas enclore ces questions dans le champ médical ou du CCNE », prévient le Pr Aubry.
Le président François Hollande, qui avait annoncé lors du rendu du rapport Sicard la présentation d’un projet de loi au Parlement en juin, a affirmé au cours d’un déplacement à Lorient qu’il y aurait « un projet de loi sans doute à la fin de l’année ».
« Le Comité national d’éthique a souhaité ouvrir un débat public national, c’est également ma démarche. Donc au terme de ce débat, il y aura un projet de loi qui en sortira fort de tout ce qui aura été dit. Ce texte complétera, améliorera la loi Leonetti qui est déjà un premier pas dans la direction qui est celle de la dignité de la personne », a-t-il déclaré.
* Yves Agid, Joëlle Belaisch-Allart, André Comte-Sponville, Patrick Gaudray, Jean-Pierre Kahane, Alice René, Michel Roux et Michel Van Praët.
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